Madame de Montespan
était surtout enchanté de cette guérilla en Roussillon, qui éloignait fort à propos le mari et lui laissait le champ libre pour sa campagne... galante.
À l’automne de 1667, alors que Louise de La Vallière connaît ses dernières relevailles, que la cour abandonne le Louvre pour s’installer aux Tuileries, que chaque soir Sa Majesté s’attarde chez Athénaïs, alors que Turenne qui a atteint les abords de Bruxelles déclare que cette campagne est close, M. de Montespan prend ses quartiers d’hiver à Perpignan.
Bien que cette ville soit, selon Dali, « le point fantastiquement concentrique de toutes les confluences mirifiques et sublimement géniales »... M. de Montespan se morfond. Est-il déjà informé de ses déboires conjugaux ? On ne le sait. Ce que l’on n’ignore pas, c’est que, ne supportant plus la solitude, il s’acoquina à une brunette du pays, aux yeux brillants et au sang chaud et qu’il la travestit en soldat pour l’introduire dans sa compagnie de chevau-légers afin de l’avoir toujours sous la main ! Naturellement cette extravagance ne tarda pas à s’ébruiter. La famille de la jeune garce porta plainte auprès du bailli et... la coureuse fut séquestrée. C’était compter sans la colère du Gascon. Il était prompt à prendre la mouche. Furieux, en pleine nuit, il organise une expédition punitive : il lance ses cavaliers à l’assaut de la demeure de l’agent du Roi, le tire brutalement de son lit, le traîne dans la rue manu militari et là, devant les Perpignanais réveillés, mais réjouis, lui inflige une sévère rossée de « coups de bâtons, de plats d’épées et de crosses de pistolets ».
Allons ! ce n’est pas à un petit fonctionnaire de s’opposer aux amours d’un Gondrin !
Bien sûr, le représentant de l’autorité royale céda, il accepta, contraint et frappé, de relâcher l’amazone, mais, l’affaire étant d’importance, il porta plainte pour insultes, coups et blessures.
Fort curieusement cependant, tout le monde, Montespan, ses complices et la coquine, sortit de là blanc comme neige. Là encore, une main puissante intervint. C’était encore celle de Louvois.
Dans le même temps, au fond de sa Gascogne, le marquis d’Antin, père de notre Montespan, recevait un courrier de Paris dans lequel on lui apprenait, sans ambages, que sa belle-fille était au Roi. La piquante Mme du Noyer nous raconte qu’ayant lu cette lettre, il aurait bondi et se serait écrié :
— Dieu soit loué ! Voici la fortune qui commence à entrer dans notre maison !
Réaction pittoresque, n’est-il pas vrai ? Mais le fils, lui, n’allait peut-être pas prendre la chose avec la même décontraction.
À « la Noël » de 1667, pourtant, alors qu’il avait obtenu un congé pour venir à Paris tenter de clarifier ses embarras financiers, tout sembla encore aller pour le mieux dans le ménage Montespan. On les rencontre ensemble, en effet, chez M e Crespin, notaire au Châtelet, où ils contractent un nouvel emprunt de 14 000 livres, et on les retrouve à la cour, le 16 janvier, assistant à la représentation d’Amphitryon donnée par Molière et sa troupe. Ensemble ils entendent donc ces vers :
Un partage avec Jupiter
N’a rien du tout qui déshonore
Et, sans doute, il ne peut être que glorieux
De se voir le rival du souverain des Dieux...
C’est plus qu’une coïncidence. Molière a sans doute trouvé là l’occasion de ridiculiser le marquis pour amuser le Roi. La cour, d’ailleurs, ne s’y trompa pas. Le Gascon « qui partageait avec Jupiter » fit, quant à lui, la sourde oreille. Mieux, après avoir embrassé sa femme et lui avoir donné « procuration générale avec pouvoir de puissance à l’effet de gouverner tous leurs biens communs », il regagne paisiblement le Roussillon. Étrange comportement, car on est sûr qu’il n’ignore plus.
Cette fois, il est impossible qu’il ne sache pas. Sa famille, ses amis doivent l’avoir prévenu.
S’imaginait-il donc que les amours d’Athénaïs et de son Roi ne seraient que passade ? Supposait-il que Louise de La Vallière, délivrée d’un nouvel enfant, retrouverait son ascendant ? Si oui, il se leurrait. Louis XIV, parvenu au cap des trente ans, semblait moins priser les passions romanesques et les voyages en Arcadie. Il se lassait de la bergère des ballets de Benserade. La patricienne semblait mieux correspondre à son tempérament, à ses ambitions de monarque
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