Madame de Montespan
Vénus, le Roi reprendra la tête de ses armées. En route pour les chemins du Nord ! Auparavant il a prié la Reine, fâchée, La Vallière, effondrée, Athénaïs euphorique et toutes ces dames de la suite, de bien vouloir se retirer et l’attendre à Compiègne.
Compiègne, où nos deux rivales se confesseront... laissant sans doute bien perplexe le représentant du culte chargé de les entendre. Et, en pénitence (justice immanente ?), Athénaïs souffrira d’une vilaine rougeole. Peut-être s’agissait-il d’une rubéole, d’ailleurs, mais à l’époque (l’heureux temps !) les microbes n’existaient pas encore... et toutes les affections de peau rougissante recevaient le même diagnostic : rougeole. Rubéole ou rougeole, qu’importe puisque Athénaïs n’est pas encore grosse des oeuvres royales. Purgare, saignare, prescrit M. d’Aquin, médecin de la Reine et père de la liqueur, et tout ira pour le mieux ! Et Athénaïs est à peine rétablie lorsque Louis XIV arrive sans s’annoncer. Il ne peut vivre loin de Mme de Montespan, il ne le cache plus. Sa campagne des Flandres n’en souffre pas puisque – qu’il soit au front ou qu’il n’y soit pas – les places fortes ennemies tombent les unes après les autres, comme des châteaux de cartes, à la grande stupéfaction de toutes les cours d’Europe... et pour le plus grand plaisir de Van der Meulen.
Van der Meulen : une sorte de photographe officiel de la conquête des Flandres. Appelé en France par Colbert, sur conseil de Le Brun, cet artiste aguerri aux luminosités flamandes peindra plus de cinquante batailles. C’était, paraît-il, souvent la même, prise de face ou de profil ! Peintre de grand talent, mais courtisan accompli, il n’oubliait jamais de bien situer le monarque en premier plan. Flagorneur, il ajoutait :
— Sire, si j’ai du talent, c’est que vous me dispensez des frais de l’imagination. Vous faites le tableau, moi je le peins.
Van der Meulen, le peintre des uniformes chamarrés d’or et d’argent, des mousquetaires en casaque bleue, des plumes au vent, des boulets déferlant dans un cliquetis de couleurs.
Les scènes les plus intimes, les portraits un peu sucrés étaient l’affaire de Pierre Mignard. Il faut voir la Montespan sous la touche de ce maître ! La bouche, petite et vermeille, le sein orgueilleux, merveille, la main du format diamant...
Une délicieuse mignardise, en somme, mais que M. de Montespan, le Gascon trompé, ne semble pas avoir protégée d’une manière bien efficace !
Le pouvait-il, seulement, et que faisait-il pendant ce temps ?
Eh bien il a contracté un nouvel emprunt, il a levé une compagnie de chevau-légers et il est parti guerroyer – sous les ordres de Noailles – en Cerdagne et Roussillon, régions fraîchement acquises par la couronne lors du traité des Pyrénées et sur lesquelles – en représailles – le duc d’Ossuna avait fondu dès l’invasion de la Flandre espagnole. Montespan y est donc à la tête d’une bonne troupe, mais – et ceci n’étonnera personne – il a peine à subvenir à ses besoins. Pour preuve, ce pli adressé à Louvois par le sieur Macqueron, intendant de Sa Majesté en Roussillon :
« Nous avons vu, en passant, la compagnie de M. de Montespan laquelle est composée de 84 maîtres bien montés, outre son équipage qui est fort leste et dans lequel il y a plus de 30 chevaux ou mulets. Il dit qu’étant fils de famille il ne peut faire beaucoup d’avance pour l’entretien de cette troupe. Je crois qu’il y aurait de la justice à lui envoyer au plus tôt quelque somme d’argent à bon compte de la subsistance de sa compagnie. »
Chose rare, le plus strict, le plus cassant des ministres ne se fit pas prier pour accorder des subsides à Montespan. Nul doute que Louvois pensait plaire à son maître en gardant ainsi le mari trompé éloigné de Paris. De pleines poignées de liards, la perspective d’une garnison triée sur le volet, et même la promesse d’un bon régiment dans les meilleurs délais, le Gascon trouvait là une triple récompense.
Aucun doute, si Colbert avait sa La Vallière, Louvois avait sa Montespan !
Dans l’action menée contre Puygcerda « où les Espagnols furent rejetés jusques aux palissades », M. de Montespan fît preuve de sa bravoure habituelle. Le duc de Noailles en informa Louvois, qui le fit savoir au Roi, qui ne manqua pas de faire transmettre ses félicitations, mais qui
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