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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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docteur.
    – Si le cœur vous en dit ? répondait
l’oncle.
    – Bien des remerciements ; nous
avons mangé ce soir de la salade ; c’est ce que j’aime le
mieux.
    Après ces paroles, Koffel allait s’asseoir
derrière le fourneau et ne bougeait pas jusqu’au moment où l’oncle
disait :
    – Allons, Lisbeth, allume la chandelle et
lève la nappe.
    Alors, à son tour, l’oncle bourrait sa pipe et
se rapprochait du fourneau. On se mettait à causer de la pluie et
du beau temps, des récoltes, etc. ; le taupier avait posé tant
d’attrapes pendant la journée, il avait détourné l’eau de tel pré
durant l’orage ; ou bien il venait de retirer tant de miel de
ses ruches ; ses abeilles devaient bientôt essaimer, elles
formaient barbe, et d’avance le mauser préparait des paniers pour
recevoir les jeunes.
    Koffel, lui, ruminait toujours quelque
invention ; il parlait de son horloge sans poids où les douze
apôtres devaient paraître au coup de midi, pendant que le coq
chanterait et que la mort faucherait ; ou bien de sa charrue,
qui devait marcher toute seule, en la remontant comme une pendule,
ou de telle autre découverte merveilleuse.
    L’oncle écoutait gravement ; il
approuvait d’un signe de tête, en rêvant à ses malades.
    En été, les voisines, assises sur le banc de
pierre, devant nos fenêtres ouvertes, s’entretenaient avec Lisbeth
des choses de leurs ménages : l’une avait filé tant d’aunes de
toile l’hiver dernier ; les poules d’une autre avaient pondu
tant d’œufs dans la journée.
    Moi, je profitais d’un bon moment pour courir
à la forge de Klipfel, dont la flamme brillait de loin, dans la
nuit, au bout du village. Hans Aden, Frantz Sépel et plusieurs
autres s’y trouvaient déjà réunis. Nous regardions les étincelles
partir comme des éclairs sous les coups de marteau ; nous
sifflions au bruit de l’enclume. Se présentait-il une vieille rosse
à ferrer, nous aidions à lui lever la jambe. Les plus vieux d’entre
nous essayaient de fumer des feuilles de noyer, ce qui leur
retournait l’estomac ; quelques autres se glorifiaient d’aller
déjà tous les dimanches à la danse, c’étaient ceux de quinze à
seize ans. Ils se plantaient le chapeau sur l’oreille et fumaient
d’un air d’importance, les mains dans les poches.
    Enfin, à dix heures, toute la bande se
dispersait ; chacun rentrait chez soi.
    Ainsi se passaient les jours ordinaires de la
semaine ; mais les lundis et les vendredis l’oncle recevait la
Gazette de Francfort
, et ces jours-là les réunions étaient
plus nombreuses à la maison. Outre le mauser et Koffel, nous
voyions arriver notre bourgmestre Christian Meyer et
M. Karolus Richter, le petit-fils d’un ancien valet du comte
de Salm-Salm. Ni l’un ni l’autre ne voulait s’abonner à la gazette,
mais ils aimaient d’en entendre la lecture pour rien.
    Que de fois je me suis rappelé depuis notre
gros bourgmestre aux oreilles écarlates, avec sa camisole de laine
et son bonnet de coton blanc, assis dans le fauteuil, à la place
ordinaire de l’oncle ! Il semblait songer à des choses
profondes ; mais sa grande préoccupation était de retenir les
nouvelles pour en faire part à sa femme, la vertueuse Barbara, qui
gouvernait la commune sous son nom.
    Et le grand Karolus donc, cette espèce de
lévrier en habit de chasse et casquette de cuir bouilli, le plus
grand usurier du pays, qui regardait les paysans du haut de sa
grandeur, parce que son grand-père avait été laquais de Salm-Salm,
qui s’imaginait vous faire des grâces en fumant votre tabac, et qui
parlait sans cesse de parcs, de faisanderies, de grandes chasses à
courre, des droits et des privilèges de monseigneur de Salm-Salm.
Combien de fois je l’ai revu en rêve, allant, venant dans notre
chambre basse, écoutant, fronçant le sourcil, plongeant tout à coup
la main dans la grande poche de l’habit de l’oncle, pour lui
prendre son paquet de tabac, bourrant sa pipe et l’allumant à la
chandelle en disant :
    – Permettez !
    Oui, toutes ces choses, je les revois.
    Pauvre oncle Jacob, qu’il était bonhomme de se
laisser fumer son tabac, mais il n’y prenait pas même garde ;
il lisait avec tant d’attention les nouvelles du jour. Les
Républicains envahissaient le Palatinat, ils descendaient le Rhin,
ils osaient regarder en face les trois électeurs, le roi Wilhelm de
Prusse et l’empereur Joseph.
    Tous les assistants s’étonnaient de

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