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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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patrie, eh bien,
vous direz : « J’ai sauvé les bestiaux du village pour
que les kaiserlicks, les Cosaques ne puissent pas les
avoir !… » Alors le préfet du grand empereur
– nouveau salut – dira : « Oh ! le bon
maire… l’honnête citoyen… il faut lui envoyer la
croix ! » Et ça fait que vous aurez toujours la croix, et
que nous garderons nos bestiaux.
    – Tu as raison, Daniel, reprit le grand
maigre d’un air convaincu. Pourquoi est-ce que je n’attraperais pas
la croix tout comme un autre, puisque je sauve les bestiaux de la
commune ?
    – Pardieu, monsieur le maire, il y en a
plus d’un qui ne l’a pas gagnée autant que vous. Et c’est le
Schmitt qui sera vexé !…
    – Hé ! hé ! hé ! il aura
un bec comme ça, fit le maire, en appliquant la pomme de son
parapluie au bout de son nez.
    En ce moment, deux grands bœufs débouchèrent
sous le dôme des sapinières ; ils marchaient de ce pas grave
et solennel qui semble indiquer le sentiment de la force ;
puis derrière eux arriva lentement une longue file de génisses, de
vaches, de chèvres, mugissant, bêlant, nasillant ; et enfin la
moitié du village de Hâzenbruck, femmes, vieillards, petits
enfants : les uns accroupis sur leurs vieux chevaux de labour,
les autres à la mamelle, ou pendus à la robe de leur mère. Les
pauvres gens avançaient clopin-clopant, ils paraissaient bien las,
bien tristes ; mais à la guerre comme à la guerre : on ne
peut pas avoir toujours ses aises.
    La troupe atteignit enfin le plateau. Il ne
restait plus qu’un petit nombre de traînards dispersés sur la pente
du ravin ; c’était le moment de faire main basse. Fargès et
Lombard échangèrent un coup d’œil dans l’ombre. Ils allaient donner
le signal, lorsqu’un cri de détresse… un cri perçant vola de bouche
en bouche jusqu’au sommet de la côte, et glaça d’épouvante toute la
caravane.
    – Les Cosaques !… les
Cosaques !…
    Alors ce fut une scène étrange : Fargès
s’élança derrière le rideau de feuillage pour distribuer de
nouveaux ordres. On entendit le bruit sec et rapide des batteries,
puis de ce côté tout rentra dans le silence.
    Quant aux fugitifs, ils n’avaient pas
bougé ; immobiles, se regardant l’un l’autre la bouche béante,
n’ayant ni la force de fuir, ni le courage de prendre une
résolution, ils offraient l’image de la terreur.
    Presque aussitôt Lombard reconnut aux environs
le cri rauque des Cosaques ; ils accouraient en tous sens, à
travers taillis, halliers, broussailles. À les voir bondir au clair
de lune, sur leurs petits chevaux bessarabiens, l’œil en feu, les
naseaux fumants, la crinière hérissée, on les eût pris pour une
bande de loups affamés enveloppant leur proie. Les bœufs
mugissaient, les femmes sanglotaient, les pauvres mères pressaient
leurs enfants sur leur sein, et les Baskirs resserraient toujours
le cercle de leurs évolutions, pour fondre sur ce groupe. Enfin,
ils se massèrent et partirent en ligne, en poussant des hourras
furieux. Tout à coup le sombre feuillage s’illumina comme un reflet
de foudre, un feu de peloton étendit sa nappe rougeâtre sur le
plateau, et la montagne parut frissonner de surprise ! Quand
la fumée de cette décharge se fut dissipée, on vit les Cosaques en
déroute chercher à fuir dans la direction du Graufthâl, mais là
s’étendait une barrière de rochers infranchissables.
    – En avant !… Pas de
quartier !… cria Fargès.
    Les vétérans, animés par sa voix, se
précipitèrent à la poursuite des fuyards. Le combat fut court.
Acculés à la pointe du roc, les soldats de Platoff firent
volte-face et chargèrent avec la furie du désespoir. Cinquante
coups de lance et de baïonnette s’échangèrent en une seconde. Mais
dans cet étroit espace, les Cosaques, ne pouvant manœuvrer leurs
chevaux, furent bientôt écrasés. Un seul résista jusqu’au bout,
grand, maigre, à la face terne et cuivrée, véritable figure
méphistophélique, il était recouvert de plusieurs peaux de mouton.
Lombard en enlevait une à chaque coup de baïonnette.
    – Canaille ! murmurait-il, je
finirai pourtant par t’attaquer le cuir…
    Il se trompait !… Le Cosaque bondit
au-dessus de sa tête, en lui assénant avec la crosse de son
pistolet un coup terrible sur la mâchoire. Le caporal cracha deux
dents, arma son fusil, ajusta le Baskir et fit feu. Mais attendu
que l’arme n’était pas chargée, l’autre

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