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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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et les jambes nus, et n’étaient couverts
que d’un grossier pagne de toile bise roulé autour de la taille. Les femmes,
pas gênées le moins du monde de leurs mamelles pendantes, ajoutaient quand même
à leur tenue un article censé préserver leur pudeur : une écharpe longue
et lestée de perles pendait devant et derrière elles, faisant écran à leurs
parties intimes quand elles s’accroupissaient, ce qui était leur position
favorite. Hommes et femmes enfilaient à leurs chevilles des manches de tissu
lorsqu’ils devaient marcher dans l’eau pour se protéger des sangsues. Le reste
du temps, ils allaient pieds nus, leurs plantes étant garnies d’une couche de
corne assez épaisse pour les garantir contre les piqûres, morsures et
irritations. Si je me souviens bien, je ne vis dans cette région que deux
hommes qui possédaient des chaussures. Ils les portaient nouées autour de leur
cou à l’aide d’une ficelle afin de préserver de telles merveilles.
    Les hommes du peuple Mien, déjà peu avenants par
nature, avaient trouvé le moyen de se rendre encore plus étranges. Ils
couvraient leur peau d’images et de motifs colorés. Je ne vous parle même pas
de peintures ; il s’agissait d’une substance colorante piquée dans et sous
la peau, qu’on ne pouvait plus jamais éliminer ensuite. On l’appliquait à
l’aide d’une lamelle pointue de bambou et de suie d’huile de sésame brûlée.
Cette dernière était noire, mais une fois infiltrée sous la peau, elle laissait
apparaître des points et des lignes de couleur bleue. Il y avait de prétendus
artistes de cette technique, qui voyageaient de village en village et étaient
bien accueillis partout, car un Mien risquait de passer pour efféminé s’il
n’était pas décoré tel un tapis. Ce marquage débutait dès l’enfance, et on le
poursuivait, en ménageant des intervalles de récupération entre les
douloureuses sessions, jusqu’à ce que l’individu soit couvert d’un treillis de
motifs bleutés des genoux à la poitrine. Après quoi, s’il était vraiment coquet
et avait les moyens de payer l’artiste pour d’autres travaux, il pouvait se
faire tatouer d’autres dessins effectués avec un pigment rouge parmi les motifs
bleus. Là, on pouvait commencer à parler d’un bel homme.
    Cette horreur était réservée aux hommes, mais ils
laissaient généreusement leurs femmes en partager une autre, à peine plus
agréable à l’œil : l’habitude de mâcher constamment. Je crois vraiment que
les Mien de la jungle ne se livraient à leur industrie de coupe sylvestre que
pour pouvoir s’offrir un produit que l’on pouvait mastiquer et qu’ils ne
pouvaient cultiver, mais devaient importer. C’était la noix d’un arbre appelé areca (ou palmier à bétel, ou encore aréquier) qui ne poussait que dans les
régions côtières. Les Mien achetaient ces noix, les faisaient bouillir, les
pelaient, puis les laissaient sécher au soleil jusqu’à ce qu’elles deviennent
noires. Dès qu’ils se sentaient l’envie de se faire un petit plaisir,
c’est-à-dire tout le temps, ils se coupaient une tranche de noix d’aréquier,
l’humectaient d’un peu de citron, la roulaient dans une feuille de bétel, fourraient
cette boulette dans leur bouche et la mâchouillaient la journée durant. Cette
mastication était aux Mien ce que la rumination est à la vache : leur
unique divertissement, leur seul plaisir et la seule activité qu’ils
pratiquaient, en dehors de celles absolument indispensables à leur existence.
Un village rempli d’hommes, de femmes et d’enfants Mien n’était déjà pas un
régal pour les yeux. Mais le fait de les voir ainsi bouger sans arrêt leurs
mâchoires de bas en haut et de haut en bas n’arrangeait rien.
    Ce n’était pourtant pas le pire. Ils allaient encore
plus loin dans ce qu’ils s’infligeaient délibérément. La mastication de la noix
d’aréquier et des feuilles de bétel avait pour effet de colorer en rouge vif la
salive. Comme un enfant Mien commençait à mâcher dès qu’il avait lâché le sein,
il acquérait en grandissant des gencives et des lèvres rouges comme des plaies
ouvertes, et des dents aussi sombres que du bois de teck. Et, de la même façon
que les Mien jugeaient comme le comble de l’élégance qu’on colorât leur corps,
ils trouvaient ravissante une femme qui barbouillait ses dents déjà colorées
d’une couche de laque qui les rendait totalement noires. La

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