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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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déchirer. C’est pourquoi, vous le voyez, nos lettres sont rondes et coulent
avec la plus grande facilité.
    — Cazza beta ! m’esclaffai-je
étourdiment. Même leur langage est cossard !
    Jusqu’à présent, j’avais plutôt critiqué l’inénarrable
indolence qui prévalait à Ava, dont le climat était, il est vrai, Dieu sait
combien oppressant et amollissant. Mais l’aimable pongyi nous révéla la
terrible vérité au sujet du peuple Mien. Ils avaient pris ce nom, raconta-t-il,
en s’installant sur cette terre de Champa maintenant connue sous le nom d’Ava,
et cela remontait, selon lui, à quatre siècles seulement.
    — D’où étaient-ils originaires ?
demandai-je. D’où venaient-ils ?
    — Du To-Bhot, répliqua-t-il.
    Dame, voilà qui expliquait tout ! Ils n’étaient
rien d’autre qu’un surplus déplacé de ces misérables Bho du To-Bhot. Et les Bho
étaient déjà léthargiques aussi bien intellectuellement que physiquement dans
l’air tonique et vivifiant de leurs hauteurs natales, quoi d’étonnant qu’ici,
dans l’étouffante chaleur de ces terres basses qui vous pompaient toute
énergie, ils aient dégénéré jusqu’à un niveau bien plus bas encore.
    En toute charité, je dois admettre qu’il est difficile
d’espérer une grande ambition et une vitalité réelle d’un peuple vivant dans la
jungle tropicale, vu les conditions que cela lui impose. Durant toute la
journée, notre barge descendait le fleuve dans un épais nuage de moustiques qui
ne nous quittait jamais. Nous pouvions rien qu’en tendant les mains les
attraper par poignées entières, et leur bourdonnement était aussi sonore que le
ronflement des gavials sur les rives boueuses ; quant à leurs piqûres,
elles étaient si fréquentes que, par une bienheureuse résignation, nous
finissions par ne plus y prendre garde, assoupis que nous étions dans une
indifférence engourdie. Dès que l’un de nos hommes marchait dans les
hauts-fonds de la rivière au moment de l’accostage du soir, il en ressortait
les jambes et les vêtements rayés de noir et de rouge, le noir étant celui des
longues, collantes et visqueuses sangsues qui s’étaient accrochées à lui, se
cramponnant à travers le tissu de ses vêtements pour lui sucer si avidement le
sang qu’elles y laissaient de longues traînées rouges.
    Une fois à terre, nous pouvions être attaqués soit par
d’énormes araignées rouges, soit par de grosses mouches à bœuf furieuses, à la
morsure disait-on si douloureuse qu’elle pouvait pousser un éléphant au
saccage. La nuit ne nous apportait que peu de sursis, car le sol était infesté
d’une espèce de mouches si petites qu’on pouvait à peine les voir et encore
moins les attraper, mais dont la piqûre laissait sur la peau des marques impressionnantes.
La fumée d’encens que répandait Hui-sheng nous procura cependant un peu de
répit du côté des insectes nocturnes, et nous fîmes peu de cas des nat que
cela pouvait attirer.
    J’ignore si ce fut la chaleur, l’humidité ou les
insectes, ou ces trois misères réunies, mais beaucoup d’entre nous eurent à
souffrir de maladies qui semblaient ne jamais être fatales, mais ne jamais
guérir non plus. Le peuple du Yunnan ne désignait d’ailleurs Champa que comme
« la vallée des fièvres ». Deux de nos robustes guides mongols
tombèrent en proie à l’une de ces maladies, ou peut-être à plusieurs, et Yissun
et moi dûmes prendre en charge la totalité de leurs tâches. Leurs gencives se
mirent à saigner aussi rouge que celles d’un mâchouilleur Mien, et leurs
cheveux tombèrent par poignées. Sous leurs bras et entre leurs jambes, la peau
commença de se putréfier, devint verte et se détacha par morceaux gluants,
comme un fromage qui tourne. Diverses variétés de champignons s’attaquèrent à
leurs doigts et à leurs orteils, amollissant leurs ongles qui devinrent moites
et douloureux, saignant souvent.
    Yissun et moi fîmes appel à l’expérience d’un chef de
village, lequel nous conseilla de frotter les plaies avec du poivre. Lorsque je
protestai, arguant du fait que cela allait provoquer d’insupportables tortures,
il répondit :
    — Amè ! bien
sûr, u Polo. Mais cela torturera encore bien plus le nat, et il
partira, soyez-en sûr.
    Nos Mongols endurèrent ce traitement stoïquement, mais
le nat en fit tout autant, et les hommes restèrent prostrés et malades
comme des chiens tout le reste de la descente.

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