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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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saoul.
    — Par Tengri, Marco, mais ma parole, c’est fou ce
que tu as embelli depuis que je ne t’ai vu !
    Il me beuglait cela, mais louchait les yeux exorbités
sur Hui-sheng à mon côté. Quand je la lui présentai, elle lui sourit un peu
nerveusement, car si Bayan occupait le trône du roi d’Ava, dans la salle du
trône du palais de Pagan, il n’en arborait pas la royale attitude. Il était à
moitié affalé, siphonnant goulûment une coupe en pierreries, et ses yeux
étaient injectés de sang.
    — Dégoté la cave royale, marmonna-t-il. Ni kumis ni arkhi, mais un truc nommé chum-chum, un alcool de riz,
d’après ce qu’on m’a dit. Par ma foi, c’est un mélange de tremblement de terre
et d’avalanche ! Hui, Marco, tu te souviens, notre avalanche ?
Tiens, sers-toi, prends-en un peu.
    Il claqua des doigts, et un serviteur, torse et pieds
nus, se précipita pour m’en remplir une coupe.
    — Qu’est devenu le roi ? demandai-je.
    — Il a tout jeté au feu ! Son trône, le
respect de son peuple, son nom et même sa vie, éructa Bayan, claquant
bruyamment des lèvres. Jusqu’à ce qu’il se carapate, il était le roi
Narasinha-pati. Mais ses anciens sujets l’appellent tous à présent
Tayok-pyemin, « le roi qui a fui ». Finalement, ils sont presque
contents que nous soyons là. Le roi a fui vers l’ouest à notre approche, jusqu’à
Akyab, un port de la baie de Bangala. Nous pensions qu’il s’échapperait en
bateau, mais il est resté là, à s’empiffrer et à en réclamer encore. Il a
bouffé à en crever. Singulière manière d’en finir !
    — Bien dans le style des Mien, fis-je, l’air
dégoûté.
    — Absolument. Pourtant, ce n’était pas un Mien.
La famille royale était originaire du Bengale, en Inde. C’est pourquoi nous
avons pensé qu’il voulait s’enfuir par là. Quoi qu’il en soit, Ava est à nous,
et j’en suis le wang en exercice, en attendant que Kubilaï envoie un
fils ou quelqu’un d’autre pour me remplacer. Si tu revois le khakhan avant moi,
conseille-lui d’envoyer quelque successeur au sang gelé, histoire qu’il puisse
supporter ce climat infernal. Et dis-lui de se hâter ! Mes sardar sont
déjà en train de combattre dans l’est, à Muang Thai, et il me tarde de les
rejoindre.
    On avait préparé pour Hui-sheng et moi une grande
suite dans le palais, où nous fumes servis par les obséquieux domestiques de
l’ancienne famille royale. Je demandai à Yissun de bien vouloir s’installer
dans l’une de nos nombreuses chambres et de me seconder comme interprète.
Hui-sheng, qui se trouvait désormais privée de servante, en choisit une
nouvelle dans l’équipe mise à notre disposition. C’était une jeune fille de
dix-sept ans, de la race nommée Shan, ou parfois Thaï. Elle s’appelait Arùn,
qui signifie Aurore, et avait le visage presque aussi joli que sa nouvelle
maîtresse.
    Dans notre salle de bains, aussi somptueuse et bien
équipée qu’un hammam persan, la jeune servante nous lava de façon répétée,
Hui-sheng et moi, afin de nous débarrasser de la crasse incrustée de la jungle,
puis nous aida à nous habiller. Pour moi, il n’y eut qu’à m’envelopper la
taille d’une longueur de brocart de soie, à la façon d’une tunique. Le costume
de Hui-sheng était du même style, sauf qu’il remontait plus haut pour lui
envelopper aussi les seins. Arùn, sans honte, ouvrit et referma à plusieurs
reprises devant nous son unique vêtement, non pour nous prouver que c’était
tout ce qu’elle portait, mais pour nous montrer comment nouer les nôtres afin
qu’ils tiennent en place. Je n’en saisis pas moins l’opportunité d’admirer le
corps de la jeune fille, aussi gracieux que son prénom. Hui-sheng me fit les
gros yeux quand elle le remarqua, tandis que je lui renvoyais un éclatant
sourire et qu’Arùn gloussait. On ne nous donna ni chaussures, ni
pantoufles ; tout le monde au palais marchait pieds nus, sauf Bayan qui
avait tenu à garder ses lourdes bottes, que je ne portais moi-même que lorsque
j’avais à sortir. Arùn nous apporta un autre élément vestimentaire, des boucles
d’oreilles pour tous les deux. Mais nos oreilles n’étant pas percées, nous ne
pûmes les porter.
    Quand Hui-sheng eut achevé, avec l’aide d’Arùn,
d’arranger soigneusement sa chevelure et d’y fixer des fleurs, nous
redescendîmes dans la salle à manger du palais, où Bayan nous avait commandé un
banquet de

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