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Marcof-le-malouin

Marcof-le-malouin

Titel: Marcof-le-malouin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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moi.
    – Yvon, me dit-il, il y a longtemps que tu n’as pris la mer ; tu n’as plus de barque et tu as une fille à nourrir. Mon canot de pêche est à flot ; apporte tes filets ; viens avec moi, nous partagerons l’argent que nous gagnerons.
    – Comment veux-tu que je laisse Yvonne seule à la maison ? répondis-je. Tout le monde est aux champs et la petite a besoin de soin.
    « – Apporte ta fille sur tes bras. Keinec, mon gars, la gardera.
    « J’acceptai. Depuis ce jour, Maugueron et moi, nous pêchâmes ensemble. Yvonne fut élevée par Keinec, qui l’adorait comme une sœur. Les enfants grandirent. Entre Maugueron et moi, il était convenu que, dès qu’ils seraient en âge, les jeunes gens seraient fiancés. Seulement, j’avais mis pour condition qu’Yvonne aurait le droit de me délier de ma parole, car je ne voulais pas la forcer.
    « Tu sais comment mourut mon ami ? En voulant aller secourir un brick en perdition sur les côtes, il fut brisé sur les rochers. Keinec avait quatorze ans. Le gars a toujours été d’un caractère sombre et résolu. Un an après qu’il était orphelin et qu’il m’accompagnait en mer, il me prit à part un soir en rentrant de la pêche.
    « – Père, me dit-il, c’est ainsi que l’enfant m’appelait depuis qu’il avait perdu le sien, père, vous êtes pauvre, et je le suis aussi. Yvonne aime les beaux justins de fine laine et les croix d’or. Je veux la rendre heureuse. J’ai trouvé un engagement avec Marcof. Nous allons courir le monde durant quelques années, et, Dieu aidant, je reviendrai riche… Alors vous mettrez la main d’Yvonne dans la mienne et nous serons vos enfants.
    « Je voulus le détourner de son projet, il fut inébranlable. Le jour où il partit, après avoir embrassé ma fille qui pleurait à grosses larmes, je l’accompagnai jusqu’à Audierne, où il devait s’embarquer.
    « – Mon gars, lui dis-je en le pressant sur ma poitrine, car je l’aime comme s’il était mon fils, mon gars, reviens vite ; mais rappelle-toi encore que ma parole n’engage pas Yvonne.
    « – J’ai la sienne, me répondit-il. Et il partit.
    « Nous restâmes deux ans sans avoir de nouvelles. Au bout de ce temps Marcof revint ; mais il était seul. Il avait été faire la guerre là-bas, de l’autre côté de la mer, et il nous raconta que le pauvre Keinec était mort en combattant, dans un débarquement sur la terre ferme. Il le croyait, car il ne savait pas que Keinec, blessé seulement, avait été recueilli par des mains charitables, qu’il était guéri et qu’il attendait une occasion pour revenir en Bretagne. Cette occasion, il l’attendit cinq années. Deux fois il avait tenté de s’embarquer, deux fois, le navire, à bord duquel il était, avait fait naufrage.
    « Nous autres, nous ne savions rien, rien que ce que nous avait dit Marcof. Yvonne et moi nous l’avions pleuré, et tu sais combien tu as dit de messes pour lui.
    – Sans doute, répondit le recteur ; et je savais aussi tout ce que tu viens de dire.
    – N’importe ; il me fallait le répéter pour arriver à la fin. Écoute encore : Yvonne grandissait et devenait la plus belle fille du pays. Pendant quatre ans passés elle ne voulut écouter aucun demandeur. Enfin, bien persuadée que Keinec était mort, elle consentit, l’année dernière, à aller au Pardon de la Saint-Michel, où se rendent toujours les pennères. Là elle vit Jahoua, le plus riche fermier de la Cornouaille. Jahoua l’aima. Il est jeune, riche et beau garçon. Jamais je n’avais pu rêver un gars plus fortuné pour lui donner Yvonne. Quand il vint me parler et me dire qu’il voulait m’appeler son père, je fis venir ma fille et l’interrogeai. Yvonne l’aimait aussi. La pauvre enfant s’était aperçue que ce qu’elle avait ressenti jadis pour Keinec n’était qu’une affection toute fraternelle.
    « Que devais-je faire ?… Pouvais-je hésiter à assurer le bonheur d’Yvonne et de Jahoua ? Ils devinrent promis : ils étaient heureux tous deux. Il y a deux mois seulement, Keinec revint au pays. Le pauvre gars apprit par d’autres qu’Yvonne était fiancée. Il ne chercha pas à me voir ; il n’adressa pas un reproche à Yvonne. Je le croyais reparti de nouveau, lorsque, tout à l’heure, la petiote vient de me dire que c’était lui qui avait sauvé le Jean-Louis . S’il a sauvé le lougre, vois-tu, recteur, c’est qu’il savait bien qu’Yvonne était à

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