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Marcof-le-malouin

Marcof-le-malouin

Titel: Marcof-le-malouin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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bord, et c’est qu’il aime toujours Yvonne !…
    « Maintenant, ma fille se marie dans sept jours. J’estime Jahoua et mon Yvonne aime son promis. Voilà, recteur ce qui me fait souffrir et m’inquiète. J’ai peur que le pauvre Keinec ne soit malheureux et qu’il ne fasse un coup de désespoir, car je l’aime, ce gars, et pourtant je ne peux pas forcer ma fille. Dis, à présent que tu sais tout, que dois-je faire ? »
    Le recteur réfléchit pendant quelques secondes. Il allait parler, lorsqu’une ombre opaque vint s’interposer entre la lueur jetée par le feu qui brûlait sur la grande place et la petite fenêtre auprès de laquelle causaient les deux vieillards. Un homme, caché sous l’appui de cette fenêtre et qui avait tout entendu, s’était dressé brusquement. Le recteur fit un mouvement de surprise. Yvon, reconnaissant le nouveau venu pour un ami, lui tendit vivement la main.
    – C’est toi, Marcof ! dit-il. Pourquoi n’entres-tu pas, mon gars ?
    – Parce que au moment où j’allais entrer chez vous, j’ai aperçu Keinec qui rôdait au bout du village, et que je ne voulais pas le perdre de vue. Maintenant je vous dirai, Yvon, et à vous aussi, monsieur le recteur, que c’est dans la crainte que mon nom prononcé tout haut ne parvint à l’oreille de Keinec, que je me suis blotti sous la fenêtre et que j’ai entendu toute votre conversation. Au reste, c’est le bon Dieu qui l’a voulu sans doute, car je venais vous parler à tous deux d’Yvonne et de Jahoua.
    – Et Keinec ? demanda Yvon.
    – Keinec a gagné la montagne, c’est pourquoi je me suis montré…
    – Qu’avez-vous à nous dire, Marcof ? fit le recteur dès que le marin eut franchi le seuil de la porte.
    – Des choses graves, très-graves. D’abord, j’ai peur que le pauvre Keinec ne soit fou !
    – Comment cela ?
    – Il aime toujours Yvonne ; et votre vieil ami ne s’est pas trompé en redoutant un coup de désespoir.
    – Keinec voudrait-il se tuer ? demanda le digne pasteur avec anxiété.
    – Peut-être bien ; mais avant tout, il tuera Jahoua, c’est moi qui vous le dis !…
    Marcof n’osa pas exprimer toute sa pensée devant le père de la jeune Bretonne, mais il ajouta à part lui :
    – Et, bien sûr, il tuera Yvonne !…

VI – PHILIPPE DE LOC-RONAN.
    Entre Fouesnan et Quimper, sur les rives de l’Odet, au sommet d’une colline dominant le pays, s’élevait jadis un château seigneurial dont il ne reste aujourd’hui que des ruines pittoresques. À l’époque vers laquelle nous avons fait remonter nos lecteurs, c’est-à-dire au milieu de l’année 1791, ce château, planté fièrement sur le roc comme l’aire d’un aigle, dominait majestueusement les environs. Il appartenait à la famille des marquis de Loc-Ronan, dont il portait le nom et les armes. Les seigneurs de Loc-Ronan étaient de vieux gentilshommes bretons, compromis dans toutes les conspirations qui avaient eu pour but de conserver ou de rétablir les droits féodaux, et qui, trop puissants pour ne pas être charitables, trop véritablement nobles pour ne pas être simples, trop Bretons pour ne pas être braves, étaient adorés dans le pays.
    Le dernier marquis de Loc-Ronan était veuf depuis plusieurs années. Jeune encore, âgé de quarante ans à peine, il avait quitté complètement Versailles et s’était retiré dans ses terres. Jadis grand chasseur, il avait déserté les bois. Une profonde mélancolie semblait l’accabler. Recherchant la solitude, évitant soigneusement le bruit des fêtes, n’allant nulle part et ne recevant personne, le marquis vivait entouré de quelques vieux serviteurs, dans le château où avaient vécu ses pères. Quelquefois, mais rarement, les paysans le rencontraient chevauchant sur un bidet du pays. Alors les bonnes gens ôtaient respectueusement leurs grands chapeaux, s’inclinaient humblement et saluaient leur seigneur d’un :
    – Dieu soit avec vous, monseigneur le marquis !
    – Et qu’il ne t’abandonne jamais, mon gars ! répondait invariablement le gentilhomme en ôtant lui-même son chapeau pour rendre le salut à son vassal, circonstance qui faisait qu’à dix lieues à la ronde, il n’y avait pas un paysan qui ne se fût détourné volontiers d’une lieue de sa route pour recevoir un si grand honneur.
    Dans les mauvaises années, loin de tourmenter ses vasseaux, le marquis leur remettait leurs fermages et leur venait encore en aide. Rempli

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