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Marcof-le-malouin

Marcof-le-malouin

Titel: Marcof-le-malouin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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d’une piété bien entendue, il ne manquait pas un office et partageait son banc seigneurial avec les vieillards, auxquels il serrait la main.
    Au moment où nous pénétrons dans le château, le gentilhomme, retiré dans une petite pièce située dans une des tourelles, était en train de consulter deux énormes manuscrits in-folio placés sur une table en vieux chêne admirablement travaillée. Cette petite pièce, formant bibliothèque, était le séjour favori du marquis. Éclairée par une seule fenêtre en ogive, de laquelle on découvrait les falaises d’abord, la pleine mer ensuite, elle était garnie de boiseries sculptées. D’épais rideaux et des portières en tapisseries masquaient la fenêtre et les portes.
    Une cheminée armoriée, petite pour l’époque, mais sous le manteau de laquelle on pouvait néanmoins s’asseoir, faisait face à la porte d’entrée donnant sur l’escalier. Quatre corps de bibliothèques, ployant sous la charge des livres qui y étaient entassés, ornaient les boiseries. Près de la fenêtre se trouvait la petite table.
    Le marquis était un homme de quarante ans environ. Sa taille élevée, noble et majestueuse, n’était nullement dépourvue de grâce. Son front haut, ombragé par une épaisse chevelure brune (depuis son retour en Bretagne le marquis ne portait plus la poudre), son front haut, indiquait une vaste intelligence, comme ses yeux grands et sérieux décelaient une réelle profondeur de jugement. Ses extrémités étaient de bonne race ; et sa main surtout, blanche et fine, eût fait envie à plus d’une grande dame.
    L’ensemble de la physionomie de M. de Loc-Ronan inspirait tout d’abord le respect et la confiance ; mais l’expression de ce beau visage était si profondément soucieuse et mélancolique, qu’on se sentait malgré soi attristé en le contemplant.
    Une heure et demie du matin venait de sonner. La tempête entièrement dissipée avait fait place à un calme profond, troublé seulement par le mugissement sourd et monotone des flots se brisant contre les rochers. La lune, débarrassée de son rempart de nuages, étincelait comme un disque d’argent au milieu de son cortége d’étoiles. Le vent, s’affaiblissant d’instants en instants, ne soufflait plus que par courtes rafales.
    Le marquis, plongé dans sa lecture, offrait la complète immobilité d’une statue. La fenêtre ouverte laissait librement pénétrer les rayons blancs de la lune, qui venaient livrer un combat inoffensif aux faibles rayons d’une lampe placée sur la petite table. En entendant le marteau de la pendule frapper sur le timbre, le marquis leva la tête.
    – Une heure et demie, murmura-t-il. Il tarde bien !
    Puis prenant un sifflet en or posé à côté des livres, il le porta à ses lèvres et en tira un son aigu. La porte s’ouvrit aussitôt, et un homme de quarante à cinquante ans parut sur le seuil.
    – Jocelyn, fit le marquis en se levant, tu as été à Penmarckh ?
    – Oui, monseigneur.
    – Il t’a dit qu’il viendrait !
    – Cette nuit même.
    – Il tarde bien !
    – Monseigneur veut-il que je retourne à Penmarckh ?
    – Non, mon bon Jocelyn ; ce serait trop de fatigue.
    – Qu’importe ?
    – Il m’importe beaucoup ! Je n’entends pas que tu abuses de tes forces !… J’ai besoin que tu vives, Jocelyn ; tu le sais bien.
    – Monseigneur, encore cette pensée qui vous occupe ?
    – Elle m’occupera toujours, mon vieil ami.
    – Monseigneur, il est bien tard, fit observer Jocelyn après un moment de silence, et en cherchant évidemment à détourner le cours des idées de son maître ; ne voulez-vous pas prendre un peu de repos ?
    – Impossible ! J’attends celui que tu as été chercher.
    – Monseigneur ! j’entends la cloche de la grille ; c’est lui sans doute.
    – Eh bien ! va vite, et introduis-le sans tarder.
    Jocelyn sortit, et le marquis, refermant son in-folio, le replaça dans les rayons de la bibliothèque. À peine avait-il achevé, qu’un homme, enveloppé dans un caban de matelot en toile cirée, parut sur le seuil. Il salua le marquis avec aisance, entra, referma la petite porte, fit retomber la lourde portière, ôta vivement son caban qu’il jeta à terre, et, s’avançant vers le marquis, il lui prit la main et voulut la baiser. Le marquis retira vivement cette main, et attira le nouveau venu sur sa poitrine.
    – Êtes-vous fou, Marcof ? dit-il.
    – Non, monseigneur,

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