Marcof-le-malouin
rampant sur les rochers. Était-ce un serpent ? était-ce un homme ? Marcof prit un pistolet et l’arma froidement.
Sans doute le froissement sec de la batterie avait été entendu de celui qui se glissait ainsi vers le marin, car le bruit cessa tout à coup. Marcof attendit néanmoins, toujours prêt à faire feu. Enfin les branches s’entr’ouvrirent, et une voix amie fit entendre un appel. Marcof avait reconnu Piétro. Le jeune homme s’élança vivement près du marin.
– Que me veux-tu donc ? demanda Marcof étonné des allures mystérieuses de son fidèle camarade.
– Silence ! fit Piétro à voix basse et en indiquant du geste à Marcof qu’il parlait trop haut.
– Que me veux-tu ? répéta le marin.
– Te sauver d’une mort inévitable. Nos compagnons dorment ; j’étais de veille cette nuit, et j’ai abandonné mon poste pour te prévenir. Si Cavaccioli s’apercevait de mon absence il me casserait la tête ; mais comme il s’agissait de toi, j’ai tout bravé.
– Que se passe-t-il ?… Parle vite !
– Dès que tu fus parti, dit Piétro avec volubilité et en baissant encore la voix, tous nos hommes se rassemblèrent ; eux et Cavaccioli étaient furieux de la manière dont tu les avais traités.
– Que m’importe ! interrompit Marcof.
– Laisse-moi achever ! Ils résolurent de te tuer.
– Bah ! vraiment ?… Et qui diable voudra se charger de la commission ? demanda le marin avec ironie.
– C’est précisément ce choix qui a causé un long débat.
– Et l’on a décidé ?…
– On a décidé que, connaissant ta force et ton courage à toute épreuve, on aurait recours à la ruse.
– Les lâches ! murmura Marcof. Après ?
– On sait que tu viens tous les soirs à cet endroit, et il a été convenu que demain cinq de nous te précéderaient, s’embusqueraient derrière ce rocher au pied duquel tu te couches, et lorsque tu serais sans défiance, cinq balles de carabine te frapperaient d’un même coup.
– Et quels sont ceux qui doivent prendre part à cette ingénieuse expédition ?
– Je ne le sais pas encore ; demain on tirera au sort.
– Et tu as risqué ta vie pour venir m’avertir ?
– J’ai fait ce que je devais. Ne m’as-tu pas deux fois sauvé de la corde en m’arrachant aux carabiniers ?
– Tu as une bonne nature, Piétro, et si tu veux, je t’emmènerai avec moi.
– Tu vas partir, n’est-ce pas ?
– La nuit prochaine.
– Quoi ! pas cette nuit ?
– J’aurais l’air de fuir.
– Mais ils te tueront demain !
– Ceci est mon affaire.
– Songe donc…
– J’ai songé, interrompit Marcof, et mon plan est fait ; ne crains rien. Seulement sache bien que dans vingt-quatre heures je quitterai la bande de Cavaccioli, et je te propose de venir avec moi.
– Je ne puis quitter la montagne.
– Pourquoi ?
– Je suis amoureux d’une jeune fille de Lorenzana que je dois épouser dans quelques mois, puis mon père est infirme et a besoin de moi.
– Alors quitte ce métier infâme.
– Et lequel veux-tu que je fasse ? Il n’y en a pas d’autre dans les Calabres.
– C’est vrai, répondit Marcof.
Puis après un moment de réflexion :
– Tu es bien décidé ? reprit-il.
– Oui, Marcof, répondit Piétro. Seulement je te conjure de partir cette nuit même.
– Encore une fois ne t’inquiète de rien, mon brave : j’ai mon projet. Maintenant regagne vite ton poste, et merci.
Marcof serra vivement la main du jeune homme. Piétro allait s’éloigner.
– Encore un mot, cependant, fit le marin en l’arrêtant. Quand et comment les assassins doivent-ils se rendre ici ?
– Je te l’ai dit : quelques instants avant l’heure où tu as l’habitude d’y venir.
– Et ils arriveront tous les cinq ensemble ?
– Oh ! non pas ! Pour que tu ne puisses concevoir aucun soupçon, Cavaccioli leur donnera publiquement un ordre différent à chacun ; puis ils arriveront ici l’un par un sentier, l’autre par une autre voie, de manière à se trouver réunis à l’heure convenue.
– Merci. C’est tout ce que je voulais savoir.
– Tu n’as plus rien à me demander ?
– Non.
– Alors je retourne à mon poste.
– Va, cher ami ; mais tâche que le sort ne tombe pas sur toi demain pour faire partie de l’expédition.
– Je briserais ma carabine ! s’écria Piétro vivement.
– Non ; mais tu t’arrangerais de façon à arriver le
Weitere Kostenlose Bücher