Marcof-le-malouin
dernier, voilà tout. Va donc maintenant, et merci encore ! Puisque je n’ai rien à redouter pour cette nuit, je vais dormir.
Et Marcof, serra de nouveau la main de Piétro, s’étendit sur la terre, et s’endormit aussi profondément et aussi tranquillement que lorsqu’il était balancé dans son hamac à bord de la Félicité .
Le lendemain, Marcof alla se promener dans la montagne. Il rencontra Cavaccioli et échangea avec lui quelques phrases banales, annonçant, comme toujours, pour la nuit même, le départ dont il avait parlé.
Cavaccioli poussa l’amabilité jusqu’à lui proposer un guide et à lui donner un sauf-conduit pour la route. Marcof accepta, lui disant que le soir venu il lui rappellerait ses promesses. Puis les deux hommes se quittèrent, l’un calme et froid, l’autre aimable et souple comme tous ses compatriotes lorsqu’ils veulent tromper quelqu’un ou lui tendre une embûche.
Marcof continua sa promenade, pour s’assurer qu’il n’était ni épié ni suivi. Bien convaincu qu’il était libre de ses mouvements, il prit un sentier détourné et revint promptement à l’endroit où devait s’accomplir le crime projeté contre lui. Sans s’arrêter à la source, il gravit le rocher derrière lequel Piétro l’avait averti que s’embusqueraient les assassins ; puis, profitant d’une large crevasse qui l’abritait à tous les regards, il s’y blottit vivement.
À sa droite s’élevait un chêne gigantesque qui, enfonçant ses racines près de la source, étendait ses branches énormes au-dessus des rochers. Marcof posa ses armes contre lui, puis il tira de ses poches une large feuille de papier blanc qu’il plaça sur ses pistolets, et un bout de corde d’une vingtaine de pieds de longueur. À l’aide de son couteau il partagea la corde en cinq parties égales, à chacune desquelles il fit artistement un nœud coulant qu’il maintint ouvert au moyen d’une petite branche. Cela fait, il mit les bouts à portée de sa main, en ayant soin de les séparer les uns des autres, puis il demeura dans une immobilité complète, toujours caché dans la crevasse du rocher. Il n’attendit pas longtemps.
Un bruit de pas retentit à sa gauche. Aussitôt il se replia sur lui-même dans la position d’un tigre qui va bondir sur sa proie, et l’œil ardent, la lèvre légèrement crispée, il se prépara à s’élancer en avant. Un bandit, sa carabine armée à la main, parut à l’extrémité du sentier qui aboutissait à la source. Le misérable regarda attentivement autour de lui.
Convaincu que l’endroit était désert et que Marcof n’était pas encore arrivé, il se dirigea rapidement vers le rocher et l’escalada avec une agilité d’écureuil. Au moment où il atteignait le sommet, Marcof lui apparut face à face. Le bandit n’eut le temps ni de se servir de sa carabine ni même de pousser un cri d’alarme. Marcof, l’étreignant à la gorge, l’avait renversé sous lui. Puis, tandis que d’une main de fer il étranglait son ennemi, de l’autre il attirait à lui une des cordes et la passait autour du cou du brigand avec une dextérité digne d’un muet du sérail. Alors se relevant d’un bond, il appuya son pied sur la poitrine du Calabrais, et tira sur l’extrémité de la corde.
Il sentit le corps qu’il foulait frémir dans une suprême convulsion. La face du bandit, déjà empourprée, devint violette et bleuâtre ; les yeux parurent prêts à jaillir hors de la tête, la bouche s’ouvrit démesurément ; enfin le corps demeura immobile. Marcof le repoussa du pied pour ne pas qu’il gênât ses opérations à venir, et reprit sa place dans la crevasse.
Ce qu’il avait fait pour le premier, il l’accomplit pour les quatre suivants ; de sorte qu’une demi-heure après, il avait cinq cadavres autour de lui. Alors il s’approcha du chêne, passa successivement les cordes autour d’une branche, les y attacha solidement, et lança les corps dans le vide. Les cinq bandits se balançaient dans l’air, au-dessus de l’endroit même où avait coutume de se coucher Marcof.
Le marin ouvrit une veine à l’un des pendus, trempa dans le sang noir qui en coula lentement l’extrémité d’un roseau, et prenant la feuille de papier blanc qu’il avait apportée, il traça dessus en lettres énormes :
AVIS AUX LÂCHES !
Puis il se lava les mains dans l’eau pure de la source, reprit ses armes et s’éloigna tranquillement. Cinq minutes
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