Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Marcof-le-malouin

Marcof-le-malouin

Titel: Marcof-le-malouin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
Vom Netzwerk:
étaient alors en guerre ouverte avec les troupes régulières du roi de Naples. Douze heures se passaient rarement sans voir livrer quelque combat plus ou moins meurtrier. Cette existence aventureuse ne déplaisait pas au marin qui trouvait constamment à faire preuve d’adresse, de courage et d’intrépidité. Bientôt ses compagnons reconnurent en lui un homme supérieur. Il acquit ainsi une sorte de supériorité morale, et son nom, répété avec éloges, était connu dans la montagne pour celui d’un combattant intrépide.
    Piétro lui avait bien décidément voué une amitié véritable. Il en faisait preuve en toutes circonstances. Au reste, cette amitié s’était encore accrue de ce que, dans deux combats successifs, Marcof avait arraché Piétro des mains des carabiniers royaux et des gardes suisses. Or, être prisonnier des troupes napolitaines, se résumait pour tout bandit dans une prompte et haute pendaison. Marcof, en réalité, avait donc deux fois sauvé la vie au jeune homme. Aussi l’amitié de Piétro s’était-elle peu à peu transformée en véritable adoration. Marcof était son dieu.
    Bientôt les troupes royales, lassées par cette guerre dans laquelle elles trouvaient rarement un ennemi à combattre mais où elles étaient sans cesse harcelées, se replièrent sur Naples. Puis elles rentrèrent dans la ville et laissèrent, comme par le passé, les Abruzzes et les Calabres sous la souveraineté des brigands. Alors ceux-ci retournèrent à leurs anciennes habitudes. Les embuscades, le pillage, le vol, l’assassinat devinrent le but de leurs travaux. Mais lorsqu’au lieu de combattre vaillamment des hommes armés, il fallut attaquer, assassiner et voler des êtres sans défense, tuer lâchement des femmes qui demandaient inutilement merci, égorger d’une main ferme de faibles enfants qui tendaient leurs petits bras avec des cris et des larmes, Marcof sentit tout ce qu’il y avait de noble dans sa nature se révolter en lui.
    À la première expédition de ce genre, il brisa sa carabine contre un rocher. À la seconde, il refusa nettement d’accompagner les bandits. Cavaccioli, étonné, lui commanda impérativement d’obéir. Marcof lui répondit qu’il n’était ni un lâche, ni un infâme, et que s’il allait avec les brigands s’embusquer sur le passage des chaises de poste et des mulets, ce serait, non pour attaquer les voyageurs, mais bien pour les défendre.
    – Rappelle-toi, ajouta-t-il avec énergie, que j’ai été corsaire et non pirate ; que je sais me battre et non pas assassiner. J’ai honte et horreur de demeurer plus longtemps parmi des êtres de l’espèce de ceux qui m’entourent ; demain je partirai.
    – Tu insultes tes amis ! s’écria le chef avec colère.
    – Tu m’insultes toi-même en supposant que ces hommes me soient quelque chose !
    À ces mots, prononcés à voix haute, des rumeurs et des cris menaçants s’élevèrent de toute part. Quelques-uns des bandits portèrent la main à leur poignard. Marcof leva la tête, croisa ses bras nerveux sur sa vaste poitrine et marcha droit vers le groupe le plus menaçant. En présence de cette contenance froide et calme, les bandits se turent. Marcof revint vers le chef.
    – Tu m’as entendu ? dit-il ; demain soir même je partirai. Jusque-là, je ne t’obéirai plus.
    Puis il s’éloigna à pas lents, sans daigner tourner la tête. Marcof avait l’habitude de se retirer vers le soir dans une sorte de petit jardin naturel situé au milieu des rochers. Une fontaine voisine, jaillissant d’un bloc de porphyre, entretenait dans ce lieu une fraîcheur agréable. La nature sauvage qui dominait ce site pittoresque en rehaussait encore la beauté. C’était là que, mollement étendu sur son manteau, le marin rêvait à la France, à ses compagnons, à ses combats passés, à son avenir dès qu’il aurait quitté la Calabre.
    Le jour où eut lieu la scène dont nous venons de parler, Marcof, suivant sa coutume, s’était dirigé vers le lieu habituel de ses rêveries solitaires. La nuit venue, il prépara ses armes et se disposa à veiller, car il connaissait assez ses compagnons pour se défier d’une attaque.
    Les premières heures se passèrent dans le calme et dans le silence ; mais au moment où la lune se voilait sous un nuage, il crut percevoir un léger bruit dans le feuillage. Il écouta attentivement. Le bruit devint plus distinct ; il résultait évidemment d’un corps

Weitere Kostenlose Bücher