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Marcof-le-malouin

Marcof-le-malouin

Titel: Marcof-le-malouin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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compris que Brest était une trop petite ville pour pouvoir y dépenser rapidement son or. Il voulait connaître toutes les merveilles de la capitale et se procurer toutes les jouissances que rêvait son ardente imagination. Pendant quatre mois, il gaspilla follement cet or gagné au prix de sa vie ; pendant quatre mois il mena cette existence curieuse du marin grand seigneur, qui n’admet aucun obstacle pour son plaisir, satisfait toutes ses fantaisies, et brise ce qui s’oppose à ses volontés et à ses caprices.
    Ce temps écoulé, Marcof s’aperçut un beau matin que son portefeuille était vide et sa bourse à peu près à sec. Il reprit philosophiquement la route de Brest, et il arriva au moment où Cornic réengageait un nouvel équipage et s’apprêtait à reprendre la mer. Marcof le suivit de nouveau.
    Comme la première fois, la Félicité mit le cap sur la Méditerranée, et, comme la première fois encore, elle ouvrit la campagne sous les plus heureux auspices. Le corsaire avait déjà fait amener pavillon à deux pirates de l’archipel grec et se disposait à continuer ses courses sur le littoral de l’Afrique, lorsqu’à la hauteur de Malte il fut assailli par une tempête qui le rejeta entre les côtes d’Italie et celles de Sardaigne.
    Pendant les trois premiers jours, la Félicité tint bravement contre le vent et les vagues ; mais, vers le commencement du quatrième, elle se démâta de son misaine et une voie d’eau se déclara dans sa cale. La tempête ne ralentissait pas de fureur. Cornic essaya de gagner la côte. Ce fut en vain. Les pompes ne suffisaient plus à alléger le navire de l’eau qui montait de minute en minute. Il fallut abandonner le brick.
    Les deux canots qui n’avaient pas été brisés ou entraînés par les lames, furent mis à la mer. L’équipage se sépara en deux parties. La première, commandée par Cornic, monta dans l’une des embarcations ; la seconde, ayant pour chef Marcof, se jeta dans l’autre.
    Durant quelques heures, les deux canots firent route de conserve ; mais la tempête les sépara bientôt. Celui de Cornic put atteindre Naples et s’y réfugier. Celui de Marcof fut moins heureux. Entraîné vers la haute mer, il doubla la Sicile.
    Pendant trois jours la frêle barque fut ballottée au gré des flots. N’ayant pas eu le temps d’emporter des vivres, les pauvres naufragés mouraient de fatigue et de faim. Déjà on parlait de tirer au sort et de sacrifier une victime pour essayer de sauver ceux qui survivraient, lorsque, la nuit suivante, le canot fut jeté sur les côtes de la Calabre méridionale, et se brisa sur les rochers. À l’exception de Marcof, tous les marins périrent. Seul il parvint à gagner la plage. Une fois en sûreté sur la terre ferme, les forces l’abandonnèrent et il tomba évanoui.
    Combien de temps dura cet évanouissement ? Marcof l’ignora toujours. Lorsqu’il reprit ses sens, il se trouvait au milieu d’une vaste salle meublée, on plutôt démeublée, comme le sont d’ordinaire les hôtelleries italiennes. Il faisait grand jour. Les rayons de l’ardent soleil des Calabres, perçant les couches épaisses de poussière qui encrassaient les vitres des croisées, se ruaient dans la pièce en l’inondant d’un flot de lumière dorée.
    Autour de Marcof se tenaient, dans des attitudes différentes, une quinzaine d’hommes à figure sinistre, à costume indescriptible, tenant le milieu entre celui du montagnard et celui du soldat. Les uns, appuyés sur de longues carabines, les autres, chantant ou causant, tous buvant à plein verre le vin blanc capiteux des coteaux de la Sicile, ce Marsalla dont on a à peine l’idée dans les autres contrées de l’Europe, car il perd tout son arôme en subissant un transport lointain. Marcof, en ouvrant les yeux, fit un léger mouvement.
    – Eh bien ! Piétro ? demanda l’un de ceux qui étaient debout, en s’adressant à un jeune homme assis près du marin.
    – Eh bien ! capitaine, je crois que le noyé n’est pas mort.
    – Sainte madone ! il peut se vanter alors d’avoir la vie dure, et il devra bien des cierges à son patron.
    – Tenez ! voici qu’il remue.
    Marcof, en effet, se dressait sur son séant. La conversation qui précède avait eu lieu en patois napolitain. Marcof, en sa qualité de navigateur, avait une légère teinture de toutes les langues qui se parlent sur les côtes, et depuis, surtout, les courses de la Félicité dans la

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