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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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au rez-de-chaussée, à côté du lit des parents. C’était le plus beau meuble de la maisonnée, tout en bois de chêne.
    François Lareau l’avait fabriqué de ses mains du temps de ses fiançailles avec Victoire. Quatre hautes colonnes tournées, appelées «quenouilles», soutenaient un ciel de lit assorti aux rideaux verts en serge de Caen qu’on tirait la nuit pour se protéger des rigueurs du climat. Les époux Lareau jouissaient d’un autre grand luxe: un matelas bourré de plumes, alors que les enfants devaient se contenter d’une bourrure de paille, de quenouilles ou de cotonnier pour leur paillasse.
    Mémé Lareau, la grand-mère paternelle de Marguerite, contribuait { sa façon au ronron familial. Lorsqu’elle arrivait
    { s’extirper de son lit et { sortir de sa chambre, elle s’installait alors dans la bergère de la grande salle, près de l’âtre, tirant sur une vieille pipe d’argile ébréchée, geignant et ronchonnant toute la journée. Presque au bord du tombeau, l’ancêtre se plaignait sans cesse des maux de son grand âge, ce qui ne l’empêchait pas de tyranniser son entourage, hurlant les ordres les plus fantaisistes, ce qui avait le tour d’effrayer les enfants. On l’entendait s’époumoner du fond d’un cabinet situé au rez-de-chaussée de la maison où elle vivait la plupart du temps, allongée sur sa paillasse, lorsqu’elle avait besoin qu’on l’aide { sortir de son lit. A moins qu’il ne faille impérativement vider son pot de chambre.

    Aux yeux de Marguerite, la demeure de ses cousines Boileau avait des allures de château, comme ceux des contes de fées qui avaient enchanté leur enfance. Elle comprenait un nombre impressionnant de pièces : plusieurs chambres
    { l’étage et une chambre de compagnie qui permettait de recevoir la visite et de manger dans une pièce différente de la cuisine.
    L’impressionnante allée d’ormes qui menait à la maison rouge lui conférait un prestige inégalé au village. Derrière, on apercevait une vaste écurie au toit vermillon abritant plusieurs stalles, une grange imposante et, finalement, les autres bâtiments : un hangar et une remise de planches grises.
    Une petite laiterie en pierres, qui disparaissait sous le lierre l’été, voisinait une glacière, en pierres également. Il y avait aussi un très grand jardin garni de bosquets, de plates-bandes fleuries et d’arbres fruitiers: pruniers, poiriers, pommiers, avec un grand potager entouré d’une petite clôture blanche.
    Le domaine des Boileau donnait sur le bassin de Chambly, au carrefour des grands chemins. La route principale, qu’on appelait « le chemin du Roi », venait du nord, de Longueuil plus exactement, un village situé sur la rive sud du grand fleuve Saint-Laurent. Le chemin du Roi menait jusqu’au petit bourg de Saint-Jean, en allant au sud, vers le lac Champlain, et croisait devant chez Boileau le chemin de la Petite Rivière qui se rendait jusqu’{ La Prairie, un autre village en bordure du fleuve, mais plus { l’ouest. De La Prairie ou de Longueuil, on pouvait traverser à Montréal.
    Monsieur Boileau - c’est ainsi qu’on désignait l’opulent bourgeois dans la région de la rivière Chambly, omettant son prénom en signe de déférence - avait été le premier député du comté de Kent au parlement de 1792. Son épouse était la dernière descendante d’une très ancienne famille française, les de Gannes de Falaise, dont le nom remontait au quatorzième siècle. Elle appartenait aussi à la noblesse canadienne puisque sa mère, la vieille Angélique qui avait longtemps vécu avec eux, était une Coulon de Villier.
    Madame Boileau, que son cher époux appelait tendrement
    «ma chère Falaise», avait apporté en mariage le vernis qu’il fallait { ce fils d’un négociant de Chambly déj{ bien nanti de terres et d’argent. La maisonnée comprenait également René, l’aîné et unique garçon, ainsi que trois filles : Emmélie, Sophie et la petite Zoé.
    Le bourgeois était aussi le cousin germain de Victoire, une Boileau par sa mère. Au nom d’une ancienne amitié qui avait autrefois lié les deux cousins, Monsieur Boileau avait pris l’habitude d’inviter Marguerite { partager les jeux de ses filles Emmélie et Sophie. Les fous rires du charmant trio au cours d’une partie de trictrac ou les joyeux bavardages qui accompagnaient les travaux d’aiguille des demoiselles égayaient la demeure. Et madame Boileau, femme d’une

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