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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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dans le four pour alimenter un feu ardent jusqu’{ ce que ce soit suffisamment chaud.
    Une fois tout le bois consumé, ils retirèrent avec précaution les cendres de l’âtre pour permettre { leur sœur d’enfourner.
    — Dépêche-toi, Marguerite, lança Godefroi, le plus gourmand, le four est prêt !
    Depuis le matin, debout devant le farinier, une sorte de huche servant à conserver la farine et le pain, la jeune fille pétrissait la pâte. Elle fit un geste du poignet pour tenter de replacer les mèches de cheveux qui sortaient de son bonnet enfariné, se frottant le bout du nez avant d’essuyer ses mains sur son tablier, tout aussi blanc de farine. Quelque chose n’allait pas. Les premiers pains de la fournée, façonnés et posés sur une tablette de bois, refusaient de lever comme
    { l’accoutumée.
    — Voyons donc ! s’exclama Victoire de la cuisine.
    Qu’est-ce que t’as, Marguerite ? T’es dans la lune ?
    Grouille-toi avant que ça refroidisse.
    Marguerite tourna la tête vers sa mère pour lui répondre.
    Les traits tirés, elle était livide et une lueur étrange, comme une sorte de fièvre, brillait dans ses yeux.
    Il apparut soudainement à Victoire que Marguerite avait changé. Son aînée, qui habituellement prenait plaisir à taquiner ses frères et sœurs pour les amuser, ne riait plus.
    Celle qui chantonnait { cœur de jour demeurait étrangement silencieuse.
    La mère de famille se rappela enfin que depuis des semaines, sa fille n’avait pas eu besoin de guenilles pour ses menstrues. C’est précisément { cet instant que Marguerite, prise d’une violente nausée, s’élança au dehors de la grande salle familiale pour aller vomir.
    — Sainte bénite ! s’exclama Victoire, bouleversée.
    Elle se demanda alors à quelle occasion la surveillance du clan familial s’était relâchée au point que Marguerite eût été seule.
    Depuis quand, au juste, le regard franc de sa fille se dérobait-il ? Et qui, pardieu ! - comme aurait dit son vieux père s’il avait été encore en vie - avait approché sa fille si douce ? On ne lui connaissait aucun galant, aucun cavalier sérieux. Car Victoire n’avait plus de doute sur l’origine des malaises de Marguerite : elle attendait un enfant !
    Profondément troublée, Victoire reprit le pétrissage de la pâte laissé en plan. Un enfant! Un petit bâtard qu’on montrerait toujours du doigt et qui n’aurait aucun droit {
    l’héritage. Dieu du ciel ! Une véritable calamité, surtout si on ne trouvait pas rapidement à marier Marguerite.
    Elle avait toujours souhaité un bon mari pour sa fille, un boulanger par exemple, ou un marchand. Maintenant, malgré sa beauté et sa belle éducation, Marguerite avait perdu sa virginité et sa réputation. Même si on retrouvait le père de l’enfant pour l’obliger à épouser la jeune fille, l’honneur de la famille serait entaché et toute la paroisse se gausserait des Lareau.
    Les doigts enduits de la pâte encore collante, elle pétrissait la grosse boule enfarinée avec l’ardeur farouche d’un guerrier qui refusait de s’avouer vaincu, chaque mouvement lui donnant la force de ne pas s’effondrer. Il lui fallait réfléchir. Comment cela avait-il pu arriver? Dans le chemin de la Petite Rivière, la plupart des maisons n’étaient pas bien grandes et une famille nombreuse comme celle des Lareau rendait impossible toute forme d’intimité. Autour de la ferme, il y avait toujours quelque activité, été comme hiver. Et dès qu’un visiteur se présentait, tous se pressaient pour accueillir
    l’arrivant,
    délaissant
    momentanément
    leur
    tâche ; { la campagne, c’était toujours un événement. Quand sa fille avait-elle pu être seule avec un homme ?
    En se rappelant le moment des dernières fleurs de sa fille, elle estima la grossesse à un mois, tout au plus deux.
    Pourtant, Marguerite ne s’était pas absentée de la ferme depuis la fin de l’été. En dehors des membres de la famille, il n’y avait que le garçon qu’on engageait avant les grosses chaleurs, aux alentours de la Saint-Jean, et qu’on remerciait à la fin des récoltes, généralement à la Saint-Michel, le 29 septembre. Ce n’était tout de même pas le pauvre Jacquet des Etangs, qu’on faisait travailler par charité, qui pouvait être le séducteur de Marguerite ! Un pauvre garçon, et pas bien malin de surcroît. D’ailleurs, elle le savait, les rêvasseries de sa fille n’avaient qu’un seul sujet:

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