Marie Leszczynska
qui emprisonne arbres et charmilles, il manque la fantaisie baroque de Stanislas. Des fenêtres de ses appartements, elle contemple le parterre de l’Orangerie qui se perd parfois dans la pièce d’eau des Suisses, aux petits matins brumeux. Les jardiniers veulent y étendre un tapis de gazon ; elle obtient qu’on y substitue des massifs de fleurs. C’est à Trianon qu’elle se sent le mieux pour y prendre une collation avec ses filles et ses dames. Ses parents, puis Stanislas veuf, y résideront souvent… avant d’être délogés par Louis XV qui le fait remanier pour s’y installer avec Madame de Pompadour.
Elle déteste Marly et Fontainebleau
En revanche, les séjours au château de Marly sont vécus par la reine comme des punitions, alors qu’ils sont prisés des courtisans. Humide et difficile à chauffer, la bâtisse ne convient pas à une personne aussi frileuse qu’elle. « Je ne vous ferai pas de détail de Marly, écrit-elle au duc de Luynes ; je vous dirai en un mot que je m’y ennuie et que j’ai bien envie de rattraper mon fauteuil entre la cheminée et la tablette. Pour parler plus clairement, je serai très aise de me retrouver entre vous deux. Je puis vous assurer que j’aime mieux le bruit de Tintamarre [14] que celui du salon. » Un autre jour, elle avoue avoir déserté le salon : « Il y faisait un vent aussi fort que dans le jardin ; ma fuite ne m’a pas empêché d’y gagner une fluxion. » Au président Hénault
, elle confie : « Il fait si froid que toutes mes pensées si j’en avais seraient gelées. [15] »
Elle n’apprécie pas davantage Fontainebleau. Il fut pourtant le théâtre de ses premiers pas de jeune reine sous l’oeil admiratif des courtisans, suffoqués de la voir monter en amazone avec tant de grâce. En 1746, Louis XV, soucieux de son confort, fait agrandir et embellir sa chambre. Mais elle ne cesse d’écrire : « Fontainebleau est affreux. » Pour Marie, ce château rappelle trop de peines et de souffrances qui ont effacé les instants de bonheur. Et ce n’est pas terminé…
Elle apprécie Choisy et adore Compiègne
Écrin des amours illicites de Louis XV, le château de Choisy-le-Roy n’aurait jamais dû recevoir la visite de la reine. Mais les temps changent et les esprits évoluent. Au fil des ans, la bonbonnière s’est métamorphosée en un joli château. Choisy s’est agrandi et embelli selon les goûts architecturaux du souverain pour devenir demeure royale. À mesure qu’elle vieillit, la reine apprécie ce lieu séduisant qui se mire dans les eaux de la Seine : chasses dans la forêt de Sénart toute proche, promenades en barque, musique, jeux…
Mais son château préféré est incontestablement Compiègne, où la cour séjourne près de six semaines chaque année, du printemps au début de l’été. En dépit de l’exiguïté des bâtiments, Louis XV partage son enthousiasme pour cet endroit où il répartit son temps entre les plaisirs de la chasse, les manoeuvres et les exercices de ses troupes qui cantonnent non loin de là.
Longtemps recluse à Versailles pour cause de grossesses répétées, Marie n’a découvert Compiègne qu’en 1739. Sa vie de couple était alors en péril, son moral au plus bas ; elle traversait une période douloureuse et dissimulait ses larmes dans la pénombre de la chapelle. Et pourtant, en dépit de ces mauvais souvenirs, elle aime ce château. Elle adore le foisonnement de fleurs multicolores des massifs qui le bordent, point de départ d’une longue perspective verdoyante, invitation discrète aux plaisirs campagnards. En 1753, elle écrit au président Hénault
: « Je vous dirai donc tout simplement que je suis à ma fenêtre, au bord d’un fort joli parterre, entendant un concert d’oiseaux, découvrant une campagne très agréable où j’aperçois un troupeau de moutons. »
Dans ce décor bucolique, elle reçoit régulièrement la visite de l’évêque d’Amiens, Louis-François d’Orléans
de La Motte, dont elle apprécie la rigueur. Chaque premier samedi du mois, il dit des messes à son intention. En remerciement, elle lui offre des maximes de piété réalisées de sa main, des cordons d’aube tressés par ses soins, parfois même l’un de ses tableaux de dévotion.
Dans la passion de Marie pour Compiègne se cache aussi un secret : la présence des maisons religieuses environnantes, notamment le Carmel local. Accueillie sans réticence, elle y
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