Marie Leszczynska
elle qui a introduit cet usage en France. Il arrive aussi qu’elle pèche par excès de dévotion, comme l’écrit Luynes en août 1758 : « Avant-hier la reine avait décidé d’entendre le salut à Saint-Cyr ; elle partit à six heures dans ses carrosses. Ayant rencontré près du grand commun le Saint Sacrement qui en sortait, elle met pied à terre et suit Notre-Seigneur à pied jusqu’à la paroisse. » Résultat : il a fallu annuler sa visite à Saint-Cyr.
Dans la chapelle des Récollets de Versailles, Marie prie au pied d’une statue de la Vierge, aux mêmes heures que son père à Nancy. « Mon cher Coeur, lui écrit Stanislas, Vous avez donc aussi la bonne Dame de Bon-Secours comme j’ai la mienne, avec cette différence que la vôtre est mieux servie que la mienne par moi [2] [...] » Cette dévotion affective gagne à son tour le dauphin qui adore son grand-père au point de l’imiter dans ses effusions religieuses. Il sera rapidement rappelé à l’ordre par son précepteur, l’évêque de Mirepoix, qui lui recommande de « ne pas adorer le Saint Sacrement comme un moine ».
Une rose d’or papale
La reine se conforme aux traditions religieuses du royaume. Elle ne discute pas le sens des rites comme le fait son père, car elle doit donner l’exemple. Elle participe aux jubilés ordonnés par le pape en 1729 et en 1751, se plie à l’usage de l’oraison et pratique les oeuvres de miséricorde pour accomplir son devoir de charité. Tous les ans, le jour du Jeudi saint, elle lave les pieds de treize petites filles pauvres et leur sert un repas en souvenir de la Cène : « C’est aujourd’hui le Jeudi saint, écrit-elle à Hénault
, je voudrais avoir autant de dévotion que j’aurai de fatigues. » Parfaitement instruite de la religion catholique, il lui arrive souvent, dans ses conversations avec le président Hénault
, de critiquer les sermons des prédicateurs : « J’ai entendu le père Élisée, c’est un beau discours ; c’est parler, mais ce n’est point prêcher. »
Elle accomplit si bien son devoir de Reine Très Chrétienne qu’elle reçoit une récompense du pape. Le matin du 30 octobre 1736, la reine accueille le nonce apostolique en présence du cardinal de Fleury. L’abbé Lercari lui annonce que, « par considération pour sa piété et ses vertus », le Saint-Père lui destine une rose d’or. Les papes ont coutume d’offrir une rose d’or, bénie le dimanche des roses [3] , aux princes ou princesses qui sont les plus attachés au Saint-Siège. En France, la précédente rose avait été offerte, soixante-huit ans auparavant, par le pape Clément IX à la reine Marie-Thérèse
. Une telle distinction rappelle les liens étroits unissant la monarchie à l’Église. Louis XV tient absolument à assister à la cérémonie qui a lieu, un mois plus tard, en présence de toute la cour assemblée dans la chapelle du château de Versailles. Devant Marie agenouillée au pied de l’autel, l’abbé Lercari, vêtu d’une simarre violette, remet la rose d’or au cardinal de Fleury qui la présente à baiser à la reine.
Hostile aux jansénistes
En montant sur le trône, le jeune Louis XV a hérité de la bulle Unigenitus [4] qui va empoisonner son règne au lieu d’assurer la paix dans les églises. Devenue reine de France, Marie découvre l’ampleur de la querelle. Elle connaît le jansénisme qui existait en Pologne ; mais il ne constituait pas, comme en France, un danger pour l’ordre politique et religieux. Un proche parent de la reine, Joseph-Alexandre Jablonowski, illustre représentant des Lumières polonaises, était favorable aux idées jansénistes prônées par des intellectuels français tels que Rollin, l’historien des civilisations païennes, ou encore le poète janséniste Louis Racine. Ses penchants déplaisaient à Stanislas, mais l’esprit de tolérance soufflait sur la famille Leszczyński.
Vue du trône de France, la querelle prend un tout autre aspect pour la reine qui réfute vigoureusement les thèses jansénistes en épousant la cause de Louis XV. Entourée de jésuites, dont ses confesseurs polonais, les pères Labiszewski puis Radominski et Bieganski, Marie ne peut adopter une autre position. D’ailleurs, en matière de dogme, elle a toujours observé une parfaite orthodoxie, mettant toute sa confiance dans les choix du pape et dans le gouvernement de l’Église de France.
Le jansénisme est né des idées
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