Marie Leszczynska
reçus à Versailles. Stanislas, à qui l’on ne peut rien cacher, fait aussi jouer la musique de Hasse à Lunéville.
En 1752 éclate la querelle des Bouffons. Elle oppose les défenseurs de la tragédie lyrique française aux amateurs de l’ opera buffa italien. Cet affrontement plutôt cocasse amuse beaucoup la famille royale. Les partisans de Lully et de Rameau ont l’habitude de se rassembler à l’Opéra dans le « coin du roi », situé sous la loge de Louis XV. Ils ont le soutien du souverain et de Madame de Pompadour. À l’opposé, les inconditionnels des Italiens se regroupent dans le « coin de la reine ». Ils ont pour meneurs Grimm, Diderot, d’Holbach et Rousseau. Un parrainage explosif qui rend la reine méfiante. Tout aussi réservé que sa souveraine, Luynes commente la querelle en quelques lignes : « L’affaire des Bouffons est devenue le sujet de toutes les conversations et même de grand nombre de brochures ; on vend de tous côtés de petites feuilles : Réponses du Coin du roi au coin de la reine. Voilà ce qui exerce aujourd’hui les petits auteurs et les imprimeurs ; c’en est assez pour amuser le public. »
Chaperon d’un certain Mozart
À la fin de l’année 1763, la présence d’un jeune prodige aux concerts de la reine bouleverse l’assistance. Même Louis XV, qui n’apprécie que les sonneries de chasse et les marches militaires, est subjugué par ce virtuose de sept ans. Wolfgang Amadeus
est le fils d’un musicien de la principauté de Salzbourg, Léopold Mozart, qui a entrepris un tour d’Europe des capitales pour exhiber son petit génie et sa soeur de treize ans et demi, Nannerl.
Arrivés à Versailles le 24 décembre, ils assistent le soir même à la messe de minuit et aux messes du lendemain dans la chapelle royale : « J’y ai entendu de la musique, bonne et mauvaise, écrit Léopold Mozart [12] . Tout ce qui était pour voix seule et devait ressembler à un air était vide, glacé et misérable, c’est-à-dire français, en revanche les choeurs sont tous bons et même excellents. Je suis pour cette raison allé tous les jours avec mon petit homme à la messe du roi. »
La cour leur fait un accueil triomphal. Mesdames et la dauphine embrassent les enfants. Mais le plus beau souvenir de Léopold Mozart se situe le soir du jour de l’An, « où l’on a dû non seulement nous faire place jusqu’à la table royale, mais où mon Wolfgangus a eu l’honneur de se tenir tout le temps près de la reine avec qui il put converser et s’entretenir, lui baiser la main et prendre la nourriture qu’elle lui donnait de la table et la manger à côté d’elle. La reine parle allemand comme vous et moi ; mais comme le roi n’y entend rien, elle lui traduisit tout ce que disait notre héroïque Wolfgang
».
Les jours suivants, le petit Mozart joue pour Mesdames. À la date du 12 février 1764, Papillon
de La Ferté, intendant des Menus Plaisirs, note succinctement dans son Journal : « Mesdames m’ont ordonné de faire remettre cinquante louis à un enfant qui a joué du clavecin devant elles. » À Versailles, Wolfgang
démontre qu’il n’est pas seulement un jeune virtuose : il compose et dédie L’OEuvre 1 er de ses sonates gravées à Madame Victoire
, et L’OEuvre 2 à la comtesse de Tessé. Tout en regrettant la modicité des rétributions, Léopold Mozart pense à l’avenir : « Nous avons semé du bon grain et espérons maintenant une bonne récolte. »
Les bonheurs de la nature
En marge des arts, de la musique et de la religion [13] , Marie a hérité de son père un goût prononcé pour les plaisirs de la campagne. Tschifflik , à Deux-Ponts, incarnait pour elle le royaume enchanté de la nature. À Wissembourg, elle avait pris l’habitude d’accompagner sa grand-mère dans de longues marches quotidiennes sur les sentiers des forêts voisines. Au printemps, la jeune princesse cueillait les premiers brins de muguet qu’elle s’empressait de déposer sur l’autel de la Vierge.
En arrivant à Versailles, elle a découvert un véritable théâtre de la nature, mis en scène pour la gloire du Roi-Soleil. Elle ne se lasse pas des promenades dans le parc, bien que les perspectives majestueuses et les superbes bosquets de Le Nôtre ne correspondent pas à ses goûts ; elle leur préfère les charmes des jardins romantiques. En dépit des efforts des jardiniers de Louis XV pour relâcher l’étreinte géométrique
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