Marie Leszczynska
préfère au lansquenet. Dès ses premières semaines à la cour, elle s’y plonge avec délectation pour oublier ses soucis. Et perd beaucoup d’argent : parfois plusieurs dizaines de milliers de livres en une seule soirée ! À chaque échec, Marie jure de ne plus s’y laisser prendre. Promesse qu’elle ne tiendra jamais…
La reine se fait un ennemi
À l’occasion du séjour à Marly, la reine ose se confier au maréchal de Villars dont l’attitude paternelle la rassure. La froideur du roi, raison des larmes de la reine, sera l’unique sujet de leur conversation. Dans ses Mémoires , le maréchal résume les conseils qu’il lui donne : « Il la conjure de cacher sa passion ; d’ailleurs, il est plus heureux pour elle que le roi ne soit pas porté à la tendresse et à la vivacité puisque, en cas de passion, la froideur naturelle est moins cruelle que l’infidélité, qui est fort à craindre dans un roi beau comme le jour et qui sera lorgné de tous les beaux yeux de la cour… » Le vieux maréchal ne fait que semer le doute dans l’esprit de la reine, mais il lui donne un bon conseil : avoir une explication avec Monsieur de Fleury.
Huit jours après, Marie s’entretient avec le prélat. Et commet une nouvelle maladresse en affichant la plus grande franchise, alors que Fleury cache ses sentiments derrière une onctuosité respectueuse. Elle le braque d’emblée en vantant le rôle essentiel de Monsieur le Duc envers elle ; et le supplie de lui obtenir des audiences privées avec le roi qui ne lui parle plus. Fleury est agacé. Sur un ton faussement conciliant, il reconnaît comprendre les raisons de son attachement… mais refuse d’accéder à sa requête !
Quelques jours plus tard, la reine revient à nouveau à la charge, dans l’espoir de fléchir l’évêque en faveur de Madame de Prie et de Pâris-Duverney
, écartés de Versailles. Sa plaidoirie ne fait qu’irriter davantage Fleury.
Villars, informé, lui conseille la prudence : surtout ne pas se mettre à dos le vieux précepteur du roi ! Marie ne l’écoute pas. Convaincue de son bon droit, elle revient à la charge pour la troisième fois. Cette fois, elle se heurte à un véritable mur. Quand elle parle de reconnaissance, Fleury répond par l’intérêt de l’État. Alors, à bout d’arguments, elle explose : « Mais comment me résoudre à éloigner des personnes dont l’un, secrétaire de mes commandements, demande des juges sur ce qu’on lui reproche, et l’autre que l’on approfondisse les torts qu’on lui donne ? Pour moi, la disgrâce de ces gens-là, dont je suis contente, me fera de la peine. »
Puis la reine en vient à l’objet fondamental de ses tourments : la froideur du roi. Nouvelle maladresse d’une longue série. Ravi de ces confidences qui alimentent son jeu, le vieux manipulateur l’écoute avec un sourire de satisfaction… tout en affirmant, bien entendu, qu’il n’est pour rien dans cette triste situation !
Apprenant de la reine l’échec de sa démarche, Villars lui conseille de ménager le vieux prélat. Trop tard : par ses erreurs et son entêtement à défendre une cause perdue, elle s’est attirée la rancoeur de Fleury qui ne lui pardonnera jamais son mauvais choix.
L’heure des sanctions
Pendant ce temps, l’idée d’une éviction du duc de Bourbon fait son chemin. Entre les manigances et les multiples erreurs politiques de son premier ministre, Louis XV a fini par se convaincre de la nécessité de s’en séparer. Le roi n’aime guère les bouleversements mais la coupe est pleine. Après plusieurs mois d’interrogations, il se décide lors d’un séjour au château de Rambouillet, chez sa grand-tante la comtesse de Toulouse [6] dont il apprécie la compagnie et les invités. L’exécution du plan est fixée au 11 juin 1726. Ce jour-là, Louis XV s’apprête à partir pour Rambouillet et convie sur un ton enjoué son premier ministre à l’y rejoindre : « Mon cousin, venez de bonne heure, je vous attendrai pour jouer et ne commencerai pas sans vous. » Vers sept heures du soir, Monsieur le Duc se prépare à partir quand le duc de Charost, capitaine des gardes, lui remet un billet au nom du roi : « Mon cousin, je vous ordonne, sous peine de désobéissance, de vous rendre à Chantilly et d’y demeurer jusqu’à nouvel ordre. » Le comte de Maurepas, à l’époque jeune secrétaire d’État, entre aussitôt chez lui pour poser les
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