Marie Leszczynska
lettres de Marie sont des messages passionnés qui s’adressent indirectement au roi. Il est vraisemblable que Fleury ne les a jamais transmis à son élève. De plus, ces propos enflammés ne sont pas dignes d’une reine de France dont on attend une réserve de bon aloi quand elle s’adresse officiellement à un ministre. Mais Marie éprouve une passion aveuglante pour Louis XV, au point d’oublier qu’elle n’est plus une petite princesse polonaise. « On n’a jamais aimé comme je l’aime », confie-t-elle à Stanislas qui ne se rend pas compte de la situation. En revanche, s’il ignore tout des petites humiliations que Fleury inflige à sa fille, il sait que le roi l’honore toutes les nuits. Et, pour lui, c’est l’essentiel !
L’avenir des Bourbons d’abord !
L’optimisme de Stanislas est fondé, car le roi continue d’être attiré par sa reine, en dépit des troubles qui marquent les débuts de leur couple à Versailles. S’il demeure incapable de franchir la barrière des non-dits et révèle chaque jour à son épouse un caractère particulièrement difficile, il l’aime sincèrement. Et surtout, Louis XV n’oublie jamais la mission qu’ils doivent remplir ensemble : donner des héritiers à la France ! C’est peut-être ce qu’il a voulu exprimer en accrochant deux tableaux presque jumeaux dans ses appartements, courant 1726. Le premier représente sa mère, la duchesse de Bourgogne : une branche de fleurs d’oranger dans la main gauche, elle prend la pose sur une terrasse bordée de verdure ; un page enturbanné à la turque soutient la queue de son manteau fleurdelisé et un amour potelé se tourne vers elle avec une corbeille de fleurs. Il a été peint en 1709 par Jean-Baptiste Santerre
, à la demande de Louis XIV. Le second tableau est une réplique du précédent, à l’exception de l’amour qui porte cette fois une couronne royale sur un coussin orné de fleurs de lis. Peint par François Stiémart [8] en 1726, il immortalise Marie Leszczyńska.
La présence de ces deux tableaux chez le roi n’est pas due au hasard : désormais entré dans la vie adulte, Louis XV associe à son épouse une mère qu’il vénère mais n’a jamais connue. C’est, à sa manière, une marque de confiance essentielle envers Marie Leszczyńska qui porte maintenant tous les espoirs des Bourbons.
1 -
L’escalier des Ambassadeurs a été démoli par Louis XV pour édifier l’appartement de sa fille, Madame Adélaïde
.
2 -
Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, t. 8, p. 279.
3 -
Ce qui correspond à un trimestre.
4 -
Jeu de cartes (et d’argent) introduit par les lansquenets, mercenaires allemands servant en France aux xv e et xvi e siècles. En vogue jusqu’au xix e siècle, on pourrait le comparer au moderne poker. Il était particulièrement apprécié à la cour, où les paris allaient bon train. Même Louis XV, moins joueur que la reine, lui consacrait de longues soirées.
5 -
Marie Leszczyńska adore le cavagnole (ou cavagnol), jeu de pur hasard comparable au traditionnel loto. Chaque joueur dispose d’un tableau à cinq cases et doit tirer les numéros qui y figurent d’un petit panier, le cavagnol. La reine y jouera toute sa vie, pariant régulièrement de fortes sommes… qu’elle perdra le plus souvent ! Ces dettes de jeu la mettront à plusieurs reprises en position délicate face au roi et à son père, contraints de l’aider à les rembourser.
6 -
Marie-Victoire-Sophie de Noailles (1688-1766), veuve depuis 1712 de Louis de Pardaillan d’Antin, marquis de Gondrin, a épousé en secondes noces Louis-Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse, fils légitimé de Louis XIV et amiral de France. Mère du duc de Penthièvre
, elle est la grand-tante de Louis XV, par la main gauche.
7 -
Privée de la cour et de ses intrigues, Madame de Prie a survécu un an à l’exil, sombrant dans une dépression qui la poussera au suicide.
8 -
Garde des tableaux du roi, copiste de talent et protégé du duc d’Antin, directeur général des Bâtiments du roi, François Stiémart
(1680-1740) a souvent utilisé cette pratique, courante à l’époque, qui consiste à réutiliser plusieurs portraits plus ou moins anciens, en copiant les fonds, les attitudes, les poses, et en les adaptant pour créer une image nouvelle. D’après Xavier Salmon, conservateur au Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, l’effigie de la reine Marie Leszczyńska
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