Marie Leszczynska
au théâtre de la marquise. Ce que n’apprécie pas la reine. Mais il est surtout l’auteur d’une Histoire des chats , véritable ouvrage à clefs qui vise les grands du royaume. Depuis sa publication, on l’appelle à la cour : « l’historiogriffe de Sa Majesté ». En 1733, il est entré lui aussi à l’Académie française, où sa réception a été plutôt houleuse : pendant qu’il prononçait son discours, un plaisantin a lâché dans la salle un chat fou furieux, tandis que le public imitait les miaulements affolés de l’animal. Épigrammes et chansons ont pris le relais, ce qui valut alors à Moncrif le surnom de « Miaou ».
Dans ce cercle, Louis-Élisabeth de La Vergne, comte de Tressan, occupe une place particulière. Neveu de Madame de Ventadour, « Maman Ventadour » si chère au roi, ancien compagnon d’études de Louis XV et protégé du duc d’Orléans, il appartient à la société du Temple [5] tout comme Hénault
, Moncrif et le comte d’Argenson. Militaire toujours à court d’argent, cultivant la philosophie et les sciences, son Essai sur l’origine de l’électricité lui a valu un fauteuil à l’Académie des sciences [6] . Tressan connaît, lui aussi, Marie de longue date, car il faisait partie de la suite du duc d’Orléans venu l’épouser par procuration à Strasbourg. Malgré ses habitudes libertines, il est devenu un familier de la reine. Elle le qualifie affectueusement de « plus aimable des vauriens » ou encore de « Petit train » parce que, chaque fois qu’elle lui demande de ses nouvelles, il répond : « Je vais mon petit train. » Lorsqu’il prend le commandement du Toulois en 1750, Tressan fréquente en voisin la cour de Lunéville. Comme sa fille, Stanislas va s’enticher de lui au point de le nommer grand maréchal de sa cour en 1752. À l’image de Moncrif et Hénault
, Tressan appartiendra à la Société royale des sciences et belles-lettres de Nancy, fondée en 1751 par le roi Stanislas.
Parmi les ecclésiastiques admis au cercle de la reine figure le cardinal de Luynes, le plus assidu. Premier aumônier de la dauphine, il s’entend bien avec elle, partageant les mêmes sentiments en faveur des Jésuites et contre l’influence néfaste des philosophes. Plus sévère, l’évêque d’Amiens, Louis-François d’Orléans
de La Motte, rejoint l’opinion du cardinal de Luynes. La reine l’apprécie beaucoup, d’autant que le roi prend plaisir à sa conversation. Le cardinal de Saulx-Tavannes, grand aumônier de la reine, fréquente aussi le cercle, mais il fait preuve de prudence et de modération. Bien qu’adversaire du jansénisme, le cardinal de Tencin
, devenu ministre grâce aux intrigues de sa soeur, a été un ami – intéressé ! – du comte d’Argenson avant de changer de camp. Hénault
le qualifiait de « doux, insinuant, faux comme un jeton, ignorant comme un prédicateur ».
Parfois, c’est l’abbé de Broglie qui accompagne la reine à son cercle. Ce suppôt de la marquise, adversaire du comte d’Argenson, fait plutôt figure d’espion au sein de cette société. Ses bons mots et ses boutades visent souvent les ministres.
Des soupirants aux petits nouveaux de la cour
Il y a aussi le petit groupe des jeunes soupirants de Marie qui amusent beaucoup Louis XV et ses enfants. Le plus prévenant est le jeune aumônier de la reine, l’abbé Antoine de Montazet. Suivent le marquis de Nangis
, le duc d’Orléans et le duc de Chevreuse, fils du duc de Luynes. Sans oublier le duc de Boufflers, fils du glorieux maréchal de Boufflers. Après s’être couvert de gloire à Fontenoy et à Rocoux, le malheureux duc mourra de la petite vérole à Gênes, en 1747. Marie pleurera en apprenant sa mort : « J’ai perdu un de mes serviteurs les plus dévoués », expliquera-t-elle au roi qui accordera une pension au fils du défunt.
La présence épisodique de jeunes gens dans le cercle de la reine peut surprendre. Car ses détracteurs affirment qu’il s’agit de l’assemblée la plus bigote et la plus morne de Versailles. Mais les nouveaux arrivants la considèrent plutôt comme une école de formation aux usages de la cour. Témoin la description, plutôt cynique, qu’en fait Dufort de Cheverny dans ses Mémoires . Le jeune homme est présenté à l’assemblée en 1752. Il a vingt et un ans et s’apprête à prendre ses fonctions d’introducteur des ambassadeurs : « J’allais chez Madame la
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