Marie
recula.
— Je
croyais que tu étais avec moi. Tu disais que tu voulais cette révolte, qu’il ne
servait à rien d’attendre ! Mais tu es bien comme toutes les filles :
un jour tu fais croire une chose et le lendemain son contraire !
Chacun
entendit le ricanement de Guiora. Joachim posa la main sur le poignet de
Barabbas.
— S’il
te plaît, dit-il en s’obligeant à parler bas. Barabbas libéra sèchement son
bras pour se frapper la poitrine avec un rictus de dégoût.
— Toi
qui es si intelligente, lança-t-il à Miryem, tu devrais le savoir : c’est
moi, moi, Barabbas, qui serai le roi d’Israël !
— Non,
Barrabas, non. Seul l’homme qui ne connaîtra d’autre père, d’autre autorité que
l’Éternel, le père qui est au Ciel, aura le courage d’affronter l’ordre imposé
par la méchanceté des hommes et de le changer.
— Folle
que tu es ! C’est moi, Barabbas, je suis le seul ici à n’avoir jamais
connu de père. Barabbas, le roi d’Israël ! Vous verrez…
Il tourna
les talons, s’éloigna à grandes enjambées vers le chemin qui sortait de la
cour. Il hurla encore :
— Barabbas
le roi d’Israël ! Vous verrez…
Miryem
aperçut Abdias qui bondissait à sa suite. Avant de disparaître, il lui adressa
une grimace navrée.
Les cris
de Barabbas avaient dissipé la stupéfaction des autres. Nicodème et Guiora
s’accordaient dans un même rire méprisant.
— Ce
garçon est fou. Il serait bien capable de mettre le pays à feu et à sang.
— Il
est bon et courageux, répliqua Joachim. Et il est jeune. Il sait faire vivre un
espoir que nous ne sommes plus capables d’entretenir.
Il avait
prononcé ces derniers mots en croisant le regard de sa fille. Dans ses yeux,
passa la douceur d’un sourire triste où Miryem crut lire un reproche.
Le silence
des autres la condamnait plus sûrement que des mots. Elle s’enfuit vers la
cuisine, transie de honte.
8.
La nuit
était profonde. Seule la stridulation régulière d’un inlassable grillon rompait
le silence autour de la maison de Yossef. L’aube ne devait plus être loin.
Incapable
de dormir, Miryem avait quitté sa couche près des enfants. Elle guettait la
lumière du jour tout en la redoutant, espérant que l’obscurité qui
l’enveloppait ne cesse jamais.
Elle ne
pouvait s’empêcher de revivre cette folie qui l’avait prise d’aller parler
devant les hommes. La honte qu’elle avait infligée à son père ne la quittait
plus. Et Barabbas ! Elle aurait voulu courir derrière lui et lui demander
son pardon.
Pourquoi
était-il si plein d’orgueil ? Elle l’admirait et lui serait pour toujours
reconnaissante de ce qu’il avait déjà accompli. Dieu sait qu’elle n’avait pas
voulu le blesser ! Pourtant, il était parti avec la conviction qu’elle
l’avait trahi. Et Abdias avec lui…
Cette
grimace qu’Abdias lui avait adressée avant de suivre Barabbas lui brûlait
encore le cœur.
Les autres
avaient quitté la maison de Yossef avec le même accablement, le même visage
navré. Eléazar le zélote, le rabbin Jonathan, Lévi le Sicaire… Nicodème et
Guiora avaient ajouté la mauvaise humeur à leurs adieux.
Seul
Joseph d’Arimathie n’avait pas fui. Il avait gentiment demandé à Halva une
couche pour la nuit. La route de Damas était longue et il préférait se reposer
avant de s’en retourner.
Miryem
n’avait pas su, pas eu le courage de s’excuser auprès d’eux. Soudain les mots
lui avaient manqué, elle n’avait surtout pas voulu ouvrir la bouche de peur de
prononcer encore des paroles blessantes.
Elle
n’avait pas même eu le courage de paraître au repas du soir, malgré les
exhortations d’Halva. Halva qui l’avait embrassée avec toute la tendresse dont
elle était capable. Répétant qu’elle avait eu raison, mille fois raison de leur
dire cette vérité qu’ils ne savaient pas entendre.
Mais Halva
parlait d’un cœur débordant d’amitié et sa confiance en Miryem l’aveuglait
jusqu’à la déraison.
Non !
La vérité était sortie de la bouche de Guiora : elle n’était qu’une fille
pleine d’orgueil qui se mêlait de ce qui ne la regardait pas. Elle avait jeté
la discorde entre eux comme une pierre. Quelle sottise ! Alors même
qu’elle voulait les unir !
Oh !
pourquoi ne pouvait-on remonter le temps pour réparer ses fautes ?
Maintenant,
la nuit pâlissait au-dessus de Nazareth. Une fraîcheur, humide de rosée, avait
engourdi Miryem
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