Marie
on
vous suivra. Et toi, Nicodème, tu pourrais réunir à Jérusalem des gens qui nous
sont favorables. Si la Judée se soulève en même temps que nous, tout est
possible. Le peuple d’Israël n’attend que notre détermination pour rassembler
son courage et nous suivre…
— C’est
ce que tu crois ? Tu crois à une folie, l’interrompit Nicomède sans plus
aucune rondeur dans la voix. On n’invente pas une armée ni une guerre. Des
pauvres bougres ne deviennent pas des soldats capables de vaincre des
mercenaires aguerris par des années de combat. Ta révolte nous couvrira de
sang, et pour rien.
— Tu
dis ça parce que tu hais les am-ha-aretz ! s’enflamma Barabbas. Comme tous
les pharisiens, comme tous les nantis de Jérusalem et du Temple, vous n’avez au
cœur que mépris pour les pauvres. Vous êtes des traîtres à votre peuple…
— Qu’elle
est ta proposition, Nicodème ? demanda Joachim afin de modérer
l’exaspération de Barabbas.
— Attendre.
Les cris
de Matthias et de Barabbas, du sicaire et du zélote vrillèrent la chaleur qui
commençait à cerner l’ombre où ils se tenaient.
Nicodème leva
les mains avec autorité.
— Vous
vouliez mon avis. Je suis venu jusqu’ici pour vous le donner. Vous pourriez au
moins m’écouter.
De
mauvaise grâce les autres lui accordèrent le silence qu’il réclamait.
— C’est
le chaos dans la maison d’Hérode, tu as raison, Barabbas. Mais justement :
pourquoi vouloir avancer l’œuvre de Dieu ? Pour verser le sang et répandre
de la douleur sur la douleur, alors que le Tout-Puissant punit Hérode et sa
famille ? Vous devez croire en la clairvoyance de l’Éternel. C’est Lui qui
décide du Bien et du Mal. Pour ce qui est d’Hérode et de sa famille d’impies,
Sa justice est déjà à l’œuvre. Bientôt, ils ne seront plus. Alors, il sera
temps de faire pression sur le sanhédrin…
— Je
te comprends, Nicodème, fit Joachim. Mais je crains qu’il ne s’agisse d’un
rêve. Hérode mourra et un autre fou prendra sa place, voilà ce qui se passera…
— Que
vous êtes ignorants ! grinça Guiora, le regard exalté et qui n’en pouvait
plus de se retenir. Que vous êtes de mauvais Juifs ! Ignorez-vous qu’il
n’en est qu’un qui vous sauvera ? Avez-vous oublié la parole de
Yhwh ? Celui que vous attendez pour vous sauver, bande d’ignares, c’est le
Messie ! Lui seul, vous m’entendez ? Lui seul sauvera le peuple
d’Israël de la boue où il s’enfonce. Stupide Barabbas, ignores-tu que le Messie
se moque de ton glaive ? Il veut ton obéissance et tes prières. Si tu veux
la fin du tyran, viens donc avec nous dans le désert suivre l’enseignement du
maître de Justice. Viens ajouter ta prière à nos prières pour hâter la venue du
Messie. Voilà ton devoir.
— Le
Messie, le Messie ! Toi et tes semblables, vous n’avez que ce mot à la
bouche ! On dirait des bébés qui attendent le sein de leur mère. Le
Messie ! Vous ne savez pas même s’il existe, votre messie. Pas même si
vous le verrez un jour. Partout sur nos chemins on trouve des fous braillant
qu’ils sont le Messie ! Le Messie ! Ce n’est qu’un mot qui dissimule
votre peur et votre lâcheté.
— Barabbas,
cette fois, tu passes les bornes ! s’insurgea Nicodème, les joues
écarlates.
— Nicodème
a raison, renchérit le rabbin Jonathan, déjà debout. Je ne suis pas venu ici
pour subir ton impiété.
— Dieu
a promis la venue du Messie, approuva Eléazar le zélote en pointant un doigt
accusateur sur la poitrine de Barabbas. Guiora a raison. Notre pureté hâtera sa
venue.
— Mais
notre glaive aussi, car il s’abat sur l’impie comme une prière, ajouta Lévi le
Sicaire.
Les cris
retombèrent.
— Bon,
j’ai compris, soupira Matthias, rabattant sa capuche sur son front et se
dressant.
Comme tous
l’observaient avec une soudaine inquiétude, il effleura l’épaule de Barabbas
d’une tape amicale.
— Tu
as réuni une assemblée de pleurnichards, mon ami. Hérode n’a pas tort de les
mépriser. Avec ceux-là, il peut encore régner longtemps. Et moi, je n’ai plus
rien à faire ici.
Il tourna
les talons. Nul n’entendit les crissements des grillons et des cigales qui
embrasaient l’air, seulement le frottement de ses sandales tandis qu’il
quittait la cour de Yossef sans autre salut.
Dans la
fraîcheur de la cuisine, Miryem et Halva guettaient les moindres bruits
provenant de l’extérieur.
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