Marie
ventre. C’était là le plus sûr signe
avant-coureur de mort durant l’accouchement.
*
* *
Un jour,
alors que Miryem était dans la maison depuis près d’un mois, un homme arriva en
portant dans les bras un garçon de sept ou huit ans. L’enfant s’était brisé une
jambe en tombant d’un arbre. Il hurlait de douleur et son père ne criait pas
moins fort que lui sous l’effet de la peur.
Bien qu’il
fût tard et près de la prière du crépuscule, Joseph vint au-devant d’eux. Il
leur parla afin qu’ils s’apaisent, l’un autant que l’autre. Il leur assura que
la cassure se soignerait bien et qu’avant la fin de l’année le gamin courrait à
nouveau. Il réclama des planchettes de bois et des linges pour enserrer
fermement la jambe du garçon dans une position propre à la réparation des os.
De ses
doigts délicats, il palpa les chairs déjà enflées. L’enfant cria. Il s’évanouit
lorsque, sans crier gare, Joseph tira sur sa jambe pour remettre les os brisés
en place. Vint le moment de placer les planchettes. Tenant la jambe, Joseph demanda
à Miryem de la masser doucement avec les onguents tandis que Gueouél disposait
l’attelle.
Ce
faisant, Miryem s’inclina. Le peigne qui soutenait son épaisse chevelure tomba.
La masse de cheveux bascula et balaya le visage de Gueouél. Il poussa un cri de
fureur et se jeta en arrière.
N’eussent
été les réflexes de Joseph et d’une servante, l’enfant serait tombé de la table
où on le tenait allongé. Joseph, craignant que la brisure des os n’ait été
aggravée par la brusquerie du mouvement, rabroua Gueouél avec des mots sans
indulgence.
— Je
ne suis pas ici pour supporter la chair de cette femme, répliqua Gueouél d’un
ton menaçant. L’obscénité de sa chevelure est une corruption que tu nous
imposes. Comment veux-tu soigner par le bien quand le mal te gifle la face ?
Tous ceux
qui les entouraient le regardèrent avec stupeur. L’embarras de Joseph et de
Miryem était visible. Gueouél n’hésita pas à ajouter, avec un mauvais
sourire :
— Il
ne faudrait pas, maître, que tu décides d’installer près de toi, comme l’autre Joseph,
une femme de Potiphar !
Le visage
cuisant d’humiliation, Miryem déposa le pot d’onguent entre les mains d’une
servante et s’enfuit dans le quartier des femmes.
Ruth
craignit le pire. Elle se précipita à sa suite pour la dissuader de prendre
trop à cœur les mots de Gueouél.
— Tu
vois bien ce qu’il est : une outre de fiel ! Un envieux !
Personne ne l’aime dans la maison. Les frères pas plus que nous. Certains
assurent que jamais Gueouél n’accédera à la sagesse des esséniens tant la
jalousie lui mord le ventre. Hélas, tant qu’il ne commet pas de faute contre la
règle, le maître ne peut rien lui reprocher…
Une fois
de plus, Miryem stupéfia Ruth. Elle lui prit la main et l’entraîna dans la
cuisine. Là, elle lui tendit la lame avec laquelle on tranchait les liens de
cuir.
— Coupe-moi
les cheveux. Ruth la dévisagea, éberluée.
— Allons,
coupe-moi les cheveux ! N’en laisse que l’épaisseur d’un doigt.
Ruth se
récria qu’on ne pouvait faire ça. Une femme se devait d’être une femme et, pour
cela, d’avoir les cheveux longs.
— Et
puis ils sont trop beaux ! À quoi ressembleras-tu, après ?
— Je
me moque d’être belle ou laide. Ce ne sont que des cheveux. Ils repousseront.
Comme Ruth
hésitait encore, Miryem agrippa une grosse poignée de cheveux, les écarta de sa
tempe et trancha sans hésiter.
— Si
je le fais moi-même, ce sera pire, déclara-t-elle en tendant les cheveux coupés
à Ruth.
Et comme
Ruth poussait un cri d’horreur, elle se moqua avec beaucoup de gaieté.
Et c’est
ainsi qu’elle reparut aux yeux de tous dès le lendemain : les cheveux si
courts qu’elle en était méconnaissable. Cela lui faisait une étrange tête de
garçon et de fille en même temps. Son regard en était encore plus présent, plus
vif. Ses pommettes et le nez marqués possédaient une virilité que démentait sa
bouche, ourlée de la tendresse et du sourire d’une femme. Comme elle serrait sa
tunique autour de sa taille à la manière des hommes, voilant sa poitrine sous
un court cafetan, l’illusion était troublante.
Joseph ne
la reconnut pas immédiatement. Il leva les sourcils tandis que Gueouél les
fronçait. Ce fut à lui que Miryem s’adressa, rompant la règle qui voulait
qu’une femme ne
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