Marilyn, le dernier secret
bonne intention, mais en se débarrassant du Nembutal, l'attachée de presse avait commis l'irréparable. Un véritable crime de lèse-majesté. Sa seule bouée de sauvetage ayant disparu, Monroe risquait de se noyer.
Greenson eut alors une idée.
Puisque la présence de Newcomb excitait la contrariété de sa patiente, il lui demanda de partir. À dix-huit heures, l'amie quitta donc le 12305 Fifth Helena Drive. Mais avant de refermer la porte derrière elle, l'attachée de presse avait entrevu une dernière fois Marilyn. La comédienne n'avait rien dit, tout juste esquissé un geste dans sa direction. Et sur son visage, Newcomb avait aperçu l'ombre d'un regret.
C'est en tout cas, aujourd'hui encore, le souvenir qu'elle souhaite conserver de cet ultime contact avec un mythe vivant.
*
Le départ de Newcomb n'arrangea pourtant rien. Marilyn étouffait sous ses propres peurs.
Greenson, de son côté, fut rapidement préoccupé par un autre aspect de la situation. À plusieurs reprises, il avait tenté de joindre Engelberg pour le convaincre de passer au domicile de la star, tant il était évident qu'une injection s'imposait. Mais en vain.
Enfin, le téléphone sonna. À l'autre bout du combiné, Engelberg, auquel Greenson expliqua ce qui arrivait.
Mais pour son interlocuteur, Marilyn, ses caprices, ses insomnies, ses angoisses, ne comptaient plus. S'il quittait son épouse sur-le-champ pour se porter au chevet de la star, Esther demanderait le divorce. Engelberg se dit désolé mais, cette fois, il refusa de céder à la supplique de son collègue. Monroe devrait se débrouiller sans lui [1] .
*
Greenson se vit livré à lui-même. Sans espoir d'injection salvatrice et avec une patiente dans l'incapacité d'attendre. Il lui fallait trouver une solution.
1 -
Les appels de Greenson et le refus d'Engelberg sont un fait établi depuis de nombreuses années. Esther, l'ex-femme du médecin, est revenue dans le détail sur le rejet de la demande de Greenson dans Marilyn Monroe : The Biography ,de Donald Spoto, op. cit. Dans le même ouvrage, Spoto cite un courrier de Greenson à une consœur où il raconte le refus d'Engelberg.
103. Évidente
La réponse était évidente.
Et elle seule justifiait le taux phénoménal de barbituriques retrouvé dans le sang et le foie de Marilyn Monroe.
Elle seule expliquait l'étrange décoloration mauve de son intestin.
La réponse était évidente : le médecin avait préparé pour la star un lavement à base de Nembutal sous forme liquide [1] .
Une pratique que l'ultime confession d'Eunice Murray recueillie par Steven Miller confirmait.
La réponse était évidente mais, pour convaincre définitivement, elle devait être confrontée à une série de questions clés.
*
La première énigme à résoudre concernait l'heure de cette injection par voie rectale.
Nous l'avons vu, la rigidité cadavérique et les lividités du corps permettaient de situer le décès de l'actrice aux alentours de 20 h 30, en tous les cas avant 21 heures lorsque, après l'appel de Rudin, l'assistante avait découvert le cadavre. Comme le temps d'absorption du Nembutal par le côlon est égal à celui d'une ingestion orale [2] , cela signifie que le lavement avait dû être effectué une heure avant que la star ne sombre dans un coma profond. En clair, le Nembutal avait été injecté aux alentours de 19 h 30.
Problème : à cette heure-là, Marilyn avait accepté l'appel de Joe Di Maggio Jr. Paradoxalement, ce coup de fil ne détruit pas la démonstration, mais la conforte. Car le ton de la conversation tel qu'il a été rapporté permet d'affirmer que le lavement au Nembutal avait été réalisé quelques minutes plus tôt. Car avant de provoquer un ralentissement des capacités physiques du patient (et notamment son aptitude à parler de manière cohérente), le Nembutal produisait au contraire un effet opposé : dans un organisme habitué à sa présence, l'absorption de ce barbiturique crée une première phase… d'euphorie !
Eunice Murray ayant entendu les propos enjoués tenus par Marilyn au fils du joueur de base-ball, elle en avait donc conclu que l'actrice était de bonne humeur.
*
Le lavement avait été pratiqué quelques minutes avant 19 h 30, soit au moment où Greenson avait quitté le 12305 Fifth Helena Drive. Il n'était donc pas l'auteur de ce geste médical inhabituel.
Il est vrai que les rôles étaient parfaitement établis. Le psychiatre ne pratiquait ni
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