Marilyn, le dernier secret
prestation de son idole. Mais l'intérêt de ce montage résidait surtout dans les multiples interrogations que ce visionnage alimentait.
D'abord, parce que l'existence même de cette compilation remettait en cause la version défendue par la 20th Century Fox depuis la sortie en salles du documentaire de Pepe Torres. Malgré ses innombrables dénégations, le studio possédait bien plus que les sept minutes trente utilisées dans le film de 1963.
Une première constatation qui entraînait une autre question : pourquoi avait-il fallu, deux décennies plus tard, une projection clandestine et semi-privée pour dévoiler ces images majeures ?
La réponse se trouvait peut-être dans le contenu de la bande.
*
La scène du jour, filmée par Cukor, marquait le retour du personnage joué par Marilyn après cinq années d'absence. Cette première confrontation avec sa vie antérieure la plaçait face au chien de la famille. Un animal, à en juger par les images, peu intéressé par les contraintes du cinéma, si distrait qu'il obligea le réalisateur à effectuer plusieurs prises.
Comme si le monteur anonyme de cette compilation fantôme avait tenté d'aiguiller l'audience vers un début de solution, le collage présentait onze fois la même scène. Où Marilyn, obligée de répéter son dialogue à cause d'un partenaire impatient d'en finir, nous donnait onze fois l'occasion de l'admirer en plein travail.
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Après toutes les déclarations agacées de Cukor et du studio, selon lesquelles elle ne retenait pas son texte, bredouillait et se montrait mauvaise, le pire était donc à craindre.
L'évocation même du titre de cet ultime projet ne résonnait-il pas aux oreilles de tous comme ces moments dramatiques où il lui était impossible d'enchaîner deux mots à la suite ? Parler de ce tournage ne renvoyait-il pas à son état psychologique chancelant, les semaines avant son suicide ? Autant de douloureux souvenirs habités par son regard vague et son expression de femme noyée dans les nuages chimiques d'une consommation permanente de barbituriques. Pour tous, la débâcle de Something's Got to Give était intimement ancrée dans le processus d'autodestruction de la star.
Le choc fut donc à la hauteur de l'appréhension.
Car les membres de Marilyn Remembered, entre tristesse et colère, assistèrent à une pure rédemption.
À onze reprises, une Marilyn qu'ils avaient rarement connue aussi radieuse jouait sa scène à la perfection.
Sans hésitation, oubli, absence.
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Le silence avait gagné l'assemblée.
Le moment était historique.
Un coin du voile venait de se déchirer.
29. Sel
Henry Schipper ne se satisfaisait pas de la réponse des avocats de la 20th Century Fox [1] .
Depuis 1963, le studio campait sur ses positions : les seuls extraits disponibles de Something's Got to Give étaient ceux repris autrefois dans le documentaire de Torres et le reste avait été détruit. Les protestations des membres d'un fan-club dévoué à Marilyn n'allaient pas changer la donne.
Comme d'autres, Henry Schipper, producteur chez Fox Entertainment News, l'une des nombreuses branches de la désormais tentaculaire Fox Inc., avait eu vent de la projection fantôme du 4 août 1988. S'il connaissait pertinemment la version officielle du studio pour s'être confronté à ses hommes de loi, la perspective de mettre la main sur la désormais légendaire bobine 17 méritait plus qu'une simple requête officielle.
S'il tenait à découvrir les dernières images de Marilyn, Schipper devait conduire ses propres recherches.
Une chance, ce producteur savait parfaitement par où commencer.
*
Il y a 230 millions d'années, les plaines du Kansas étaient recouvertes par une mer intérieure. Qui, en s'évaporant, abandonna quantité de sel dans le sous-sol.
Le 26 septembre 1887, Benjamin Blanchard fut le premier à mettre à jour le trésor iodé enterré sous la ville de Hutchinson, située à 350 kilomètres au sud-ouest de Kansas City. Un filon si large qu'en 1923, la société Carry Salt inaugurait la première mine à sel de la région.
Quatre-vingt-cinq ans plus tard, creusée à deux cents mètres de profondeur, l'exploitation est toujours ouverte.
Mais, les activités de la mine se sont diversifiées puisque depuis plus de vingt ans, les galeries de la Hutchinson Salt Company abritent les trésors d'Hollywood.
Là, dans une température constante de vingt degrés et un taux d'humidité de 50 %, dort l'essentiel
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