Marilyn, le dernier secret
fille a moins d'importance que sa coupe de cheveux. Vous êtes jugé sur votre apparence, non pour votre personnalité. Hollywood est un endroit où l'on vous offrira mille dollars pour un baiser et cinquante cents pour votre âme. Je le sais parce que j'ai refusé la première offre un paquet de fois et que j'ai toujours dit non aux cinquante cents [2] . »
Son penchant pour la fête et plus particulièrement les soirées trop arrosées ? Sur ce chapitre non plus, Monroe ne craignait pas grand-chose. Ses sorties nocturnes, de Las Vegas à Los Angeles, étaient de notoriété publique. Et rares les clichés où elle n'apparaissait pas une coupe de champagne à la main.
Non, si la Fox voulait anéantir sa star, il lui fallait fouiller, plonger plus bas encore. Et sortir de la boue les peurs de son inconscient et les fêlures de son passé.
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Depuis l'enfance, Marilyn Monroe cohabitait avec la peur. Une terreur dont les nausées ne la quittaient ni le jour ni la nuit.
Hantée par les souvenirs épars et noirs de ses jeunes années, elle craignait d'en devenir folle. « Elle savait que, d'une manière où d'une autre, ses colères devaient être maîtrisées. Au risque, sinon, de sombrer dans la folie qui avait envoyé sa mère et sa grand-mère à l'asile [3] , raconte ainsi l'un de ses biographes.
En juin 1962, le docteur Ralph Greenson essayait déjà depuis plus d'un an d'apaiser la star. Mais l'obsession de Marilyn était encore forte lorsque survint la crise avec la 20th Century Fox. « Elle n'était pas folle, mais ses craintes étaient intenses », avait-il confié à Lucy Freeman, une de ses proches. « Elle avait une peur absolue, quasiment une terreur morbide de la maladie mentale [4] . »
Le jeu de miroirs de la célébrité croisé avec la réalité faisait partie intégrante de la vie d'une actrice mondialement reconnue. Mais il accentuait les tendances schizophrènes de la star. D'autant que tout Hollywood participait au processus d'intensification de ces peurs.
Monroe ne se fourvoyait pas : c'est bien sur ce terrain, dans sa logique de terre brûlée, qu'Harry Brand avait décidé de frapper.
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Murray Schumach, journaliste au prestigieux New York Times, reproduisit le 20 juin une indiscrétion venue d'une source anonyme travaillant au siège de la Fox. Une information d'une brutalité inouïe puisque, pour la première fois, sans user des moindres précautions d'usage, elle remettait directement en question l'équilibre psychiatrique d'une personnalité publique. En l'occurrence, Marilyn Monroe.
L'article débutait par une énumération des caprices de la star, citant des incidents ayant émaillé de nombreux tournages. Dans le ton de ce que l'on pouvait lire depuis une dizaine de jours. Mais cette fois, la conclusion fut bien plus violente : « Mademoiselle Monroe n'a pas seulement des sautes d'humeur. Elle est mentalement malade. Peut-être même très sérieusement [5] . »
La brèche ouverte, le barrage allait céder, entraînant dans ses courants un flot de « révélations » consacrées à l'état mental de la star.
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Bien évidemment, les « sources » de ces tombereaux d'insanités avançaient masquées derrière l'anonymat. Mais il ne fallait pas être grand clerc pour deviner l'œuvre de Brand. Ne compila-t-il pas dans ses dossiers les absences de l'actrice pour raisons médicales depuis le début des années 1950 ? Ne possédait-il pas le nom des médecins, le contenu des ordonnances, l'avis des experts ? Il savait même que « l'hospitalisation pour fatigue extrême » vendue par son bureau aux médias correspondait à un avortement ou aux lendemains d'une tentative de suicide ratée.
Gardien scrupuleux des secrets les plus lourds, Harry Brand pouvait, une fois n'est pas coutume, les partager et les divulguer.
De fait, dans les semaines qui suivirent la rupture engagée par la Fox, la presse se complut à multiplier les détails sur les troubles psychologiques de Marilyn. Et l'Amérique, choquée, découvrit qu'entre 1957 et 1962, elle avait consacré plus de cent cinquante mille dollars à des thérapies. Une somme insensée pour l'époque, qui plus est dans un pays où on considérait encore les séances sur le divan comme des pratiques de charlatanisme. Une impression accentuée par le fait que Marilyn elle-même doutait des effets de sa propre thérapie.
Autre sujet de passion de la presse, liée à ses ennuis personnels, sa brusque disparition
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