Marilyn, le dernier secret
Cukor interdit toute célébration avant la fin d'après-midi.
Ce 1 er juin, après le passage au maquillage, Marilyn, Dean Martin et Wally Cox avaient entamé le tournage dès neuf heures et demie. Le programme de la journée s'avérait dense et compliqué puisqu'on devait mettre en boîte la scène la plus complexe du scénario. Multiples plans, déplacements, jeux de mots, sous-entendus, effets dramatiques, rebondissements… non seulement le menu était copieux, mais il dépendait entièrement de Marilyn, pièce centrale de l'ensemble.
C'était donc logiquement vers la Blonde que les regards s'étaient tournés lorsque Cukor demanda le silence et lâcha, à neuf heures trente-sept, son premier « moteur ! »
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David Bretherton n'avait jamais oublié l'excellence des prises qu'à l'accoutumée, il avait montées dès la fin de journée : « Marilyn était magnifique dans l'ensemble de ces dernières scènes. Pour tout dire, elle n'avait jamais été aussi bonne. Jamais auparavant, elle n'avait fait preuve d'un tel sens du rythme. Je me souviens avoir effectué un montage assez complet de la scène où Marilyn tente de séduire le très timide Wally Cox. Et, face aux images, d'avoir pensé qu'il s'agissait de la plus brillante prestation de sa carrière [2] . »
Une fois encore, les souvenirs du technicien ne manquaient pas de pertinence. Car, comme l'indiquèrent Peter Harry Brown et Patte Barham dans un ouvrage consacré à une étude comparative du dernier film de Marilyn et du tournage de Cléopâtre avec Liz Taylor, après avoir visionné ces quatorze séquences dormant dans les archives de la Fox, les interruptions n'étaient en rien dues à la star. Et si l'une d'elles tenait à un éclat de rire de Dean Martin et Marilyn Monroe, c'était parce que le troisième larron, Wally Cox, s'était emmêlé dans les passages du dialogue.
Mieux – ou pis – le reste frôlait la perfection. La scène d'ouverture par exemple, voyait Marilyn descendre, en dansant, vingt-deux marches avant de livrer sans aucune fausse note ni erreur sa repartie. Et, tournée plusieurs fois par Cukor, la prestation de Monroe se révélait aussi identique que parfaite d'une prise à l'autre.
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Le 8 juin 1962, le renvoi de Marilyn avait fait la une, suscitant une multitude de commentaires fielleux relatifs à l'état pitoyable présumé de l'actrice. Si, dans le camp de la star, Pat Newcomb tentait vaille que vaille de faire entendre une version discordante, son effort n'avait reçu aucun écho, ses démentis se voyant étouffés par le torrent de confessions malsaines fournies par les dirigeants de la 20th Century Fox, et George Cukor lui-même.
Bien évidemment, l'intérêt des médias s'était focalisé sur le dernier jour de tournage. Dès lors, puisque le metteur en scène prétendait que la carrière de Marilyn était terminée, autant vérifier à quoi ressemblait la dernière apparition de la Blonde devant l'objectif. Puisque, selon lui, « l'ensemble est inutilisable », que « Marilyn jouait comme si elle était en train de se noyer, la tête déjà sous l'eau », et que « regarder ces images relève d'une fascination pour la folie » tant « elles ont une qualité hypnotique [3] , les voir ne pouvait que confirmer la déchéance rapide de la star. Hélas ! pour lui, rien de tel. Au contraire même, ses propres prises de vue attestaient combien George Cukor avait menti.
Il restait à découvrir pourquoi et comment cette cabale insane avait affecté les événements du 4 août 1962.
1 -
Marilyn, The Last Take, op. cit.
2 -
Marilyn, The Last Take, op. cit.
3 -
Marilyn, The Last Take, op. cit.
33. Pion
Sans les documents inédits retrouvés dans la mine de sel d'Hutchinson, il n'aurait jamais été possible de mesurer l'ampleur de la campagne de désinformation engagée contre Marilyn Monroe au printemps 1962. Dès lors, impossible de ne pas croire que la disparition des six heures de bandes de Something's Got to Give soit le fruit du hasard. En vérité, pour de multiples raisons, le film devait disparaître.
Il est cependant étonnant que les responsables de la Fox ne se soient pas mieux protégés, en recourant à une solution plus radicale et efficace que l'oubli ou le barrage d'avocats affirmant que les seules reliques disponibles ne dépassaient pas six minutes.
J'imagine que la tentation, un jour, de pouvoir profiter de la manne représentée par les dernières images d'une
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