Marilyn, le dernier secret
où j'avais accepté l'idée de vivre durant des mois l'esprit uniquement obnubilé par ce travail en profondeur sur la mort de Marilyn.
Or les débuts se ressemblent tous. Et ont comme point commun l'assurance.
À l'époque, je considérais que l'affaire était trop populaire et trop usée pour espérer découvrir une preuve absolue.
J'en étais convaincu : cette fois, il n'y aurait ni document accusateur, ni enregistrement révélateur, ni images chocs.
Dans le même registre, je n'espérais pas obtenir le moindre témoignage permettant de clore l'énigme. Puisque le temps avait fait son œuvre et que l'argent avait corrompu les souvenirs d'une poignée de survivants, comment cela aurait-il été possible ?
Mais qu'importe. À mes yeux, l'enjeu ne résidait pas là. Remonter à la source de l'information, décrypter les intérêts des uns et les motivations des autres, effectuer le tri entre la mystification et l'authenticité, analyser et comprendre l'autopsie, tenter de découvrir la vérité du printemps et de l'été 1962 semblaient bien plus importants. Parce que ces démarches et étapes éclairaient d'un jour nouveau les circonstances de sa disparition. Parce que cette quête construite pas à pas donnait vie à une vision plus claire et plus vraie, que rien ni personne n'avait polluée.
J'avais entamé mon investigation avec ces convictions. Mais un document attaché à un courrier électronique suffit un jour à balayer mes certitudes.
81. Obsession
L'investigation est une étrange maîtresse.
Ses charmes n'ont rien d'affriolant mais elle exige une complète disponibilité. Sous son emprise, la frontière entre le jour et la nuit fond jusqu'à disparaître dans un épais brouillard. Un flou où elle occupe chacune de vos pensées et offre rarement le moindre répit.
C'est à ceux qui doivent l'endurer sans y être impliqués qu'elle réserve ses pires moments. À leurs proches, à leur famille, à leurs enfants. Je l'admets : aux yeux des miens, mon métier est étouffant.
Il ne connaît pas d'heure, se moque des obligations, déteste les calendriers et bafoue le temps qui passe.
Il m'impose le silence, la solitude, et teste les limites de ma patience.
Il m'accapare entièrement et m'assigne à résidence dans un univers dont je suis le seul à apprécier la hauteur des murs.
Il faut l'admettre, l'art de l'enquête est d'abord une obsession. Où la notion d'heure est discutable et le progrès une affaire d'appréciation.
Mais le plus incompréhensible est ailleurs. Dans ce métier-là, le concept de succès relève de la douce chimère. On vit plutôt des successions de petites victoires personnelles dont personne ne comprendra jamais les efforts qu'elles ont exigés.
Ma quête pour mettre la main sur Steven Miller me l'avait prouvé une fois encore.
*
Le courrier électronique envoyé par David Marshall contenait quelque chose qu'il qualifiait lui-même d'étrange.
Pour être plus précis, il s'agissait d'une copie d'un article paru le 24 juillet 1995 dans Woman's Day . Où, sous une manchette vantant son exclusivité, un papier promettait des révélations sur les circonstances entourant la mort de Marilyn Monroe.
Dans ces colonnes intrigantes, Steven Miller, un infirmier, dévoilait les confessions livrées sur son lit de mort par Eunice Murray, assistante à domicile de l'actrice et unique témoin de l'ultime nuit de Marilyn.
Plus que sa teneur même, cette double page avait attiré l'attention de David Marshall parce qu'elle était unique. Contrairement à l'habitude, aucun autre média n'avait en effet repris les informations révélées par le magazine. Exactement comme si la nouvelle n'avait eu de valeur qu'une semaine, celle de la mise en vente de l'hebdomadaire.
Cette particularité était en soi intéressante, mais c'est autre chose qui avait interrompu l'écriture de ce livre. Une fois évacué le folklore alourdissant chaque papier consacré à la disparition de la star, l'essentiel du propos de Miller me renvoya directement à mes propres conclusions. Sans prévenir, le mystérieux article de Woman's Day venait de me rattraper. Désormais, il me fallait trouver cette source. Une tâche à laquelle j'allais consacrer des mois.
*
Pour retrouver Steven Miller, nom relativement commun aux États-Unis, j'ai d'abord tenté de contacter les deux journalistes ayant signé l'article. C'est ainsi que je découvris que Woman's Day n'était pas un hebdomadaire populaire
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