Marilyn, le dernier secret
concentration plus importante de cristaux, donc multiplier les chances de constater leur présence. Et si on y ajoutait la concentration de barbituriques découverte dans le foie, qui portait le total à près de deux cents comprimés de Nembutal, le résultat devait être plus flagrant encore.
Cozzi avançait aussi que le contenu de l'estomac pouvait dissimuler l'existence des cristaux. Or cette remarque n'avait aucun sens pour cette autopsie. Parce que Noguchi avait examiné sous microscope le fluide prélevé. Et parce que la quantité retrouvée n'excédait pas une cuillère à soupe. Une quantité trop minime pour cacher quoi que ce soit.
En vérité, l'absence de nourriture aurait dû donner un estomac saturé de cristaux. Ce qui, justement, avait interloqué Noguchi puisque, avant même que le nombre des Nembutal soit déterminé, il avait vérifié l'intestin grêle. Soit l'endroit où la concentration aurait dû être encore plus élevée.
C'était donc bien cette double absence qui avait conduit, comme nous l'avons dit, le légiste à solliciter une vérification en laboratoire. Une analyse qui, pour des raisons administratives, n'avait jamais été effectuée.
*
Élucider quarante-cinq ans de mystère dépendait donc de la résolution d'une équation.
L'absence de marque de piqûre et cette trop forte proportion de barbituriques condamnaient la thèse de l'injection.
L'absence de concentration de barbituriques dans l'estomac et l'intestin de la star, couplée à un nombre de comprimés trop important, rendaient ensuite impossible l'administration orale du Nembutal.
La solution ?
Elle se nichait peut-être dans quelques mots de sir Arthur Conan Doyle, le père littéraire de Sherlock Holmes : « Lorsque vous avez éliminé l'impossible, ce qui reste, si improbable soit-il, est nécessairement la vérité [5] . »
1 -
Coroner , op. cit.
2 -
Ibid.
3 -
http ://wwrocq.inria.fr/who/Marc.Thiriet/Glosr/Bio/TubDigest/Intestinp.html
4 -
Extrait du chapitre « Absorption, distribution et excrétion des médicaments » in Pharmacologie médicale, Michael Neal, De Boeck Université, 2003.
5 -
In Le Signe des Quatre , Arthur Conan Doyle, Hachette, 2005.
77. Eldorado
Le coup de grâce aurait dû venir maintenant.
Stratégiquement et littérairement parlant, c'était le meilleur moment pour abattre la carte maîtresse. Celle du témoin ultime, appartenant à l'enquête officielle mais refusant l'idée du suicide. Celle de la personne présente à l'autopsie et validant l'explication d'une « overdose » par lavement.
Oui, en y réfléchissant bien, il était temps d'évoquer John Miner.
*
Le matin du 5 août 1962, John Miner, assistant du District Attorney de Los Angeles, se trouvait aux côtés de Thomas Noguchi.
Comme le médecin légiste l'avait précisé dans sa biographie, sa présence traduisait à elle seule la particularité et l'enjeu de la procédure. Le cadavre de la salle numéro 1 étant la star la plus populaire du moment, le D.A. avait pris ses précautions et envoyé un de ses meilleurs éléments pour superviser l'autopsie.
Lequel John Miner avait souligné la méticulosité, la minutie et le sérieux du travail de Noguchi, s'avouant même impressionné par la recherche, loupe aidant, d'éventuelles traces de piqûre.
Soit. Mais la particularité du cas Miner, c'est que l'assistant du District Attorney émit des années après des doutes sur les conclusions du légiste. Dans le rapport d'enquête rédigé par le bureau de John Van de Kamp en 1982, on peut en effet lire : « John Miner, se fondant sur une série de conversations avec Greenson, développait de sérieuses interrogations concernant la conclusion selon laquelle mort de Mlle Monroe serait un suicide [1] . »
Sur quoi basait-il ses doutes ?
En plus d'entretiens avec le psychiatre de la comédienne, Miner étayait sa remise en question à partir d'une constatation effectuée durant l'autopsie : « Le docteur Noguchi et moi avons observé sur le côlon sigmoïde – la portion la plus basse du gros intestin – une large zone qui est congestionnée et de couleur mauve foncé. Ce qui constitue une complète anomalie. Ainsi, j'ai assisté à de nombreuses autopsies de cadavres décédés après une surdose de barbituriques et je n'ai jamais constaté un phénomène semblable [2] . »
Fort de cette remarque, John Miner ajoutait : « Après avoir vérifié auprès des meilleurs pathologistes du
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