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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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couchant, il crut apercevoir les voiles de l’Anglais qui remontait dans le vent. Il redescendit près de Verdier.  
    — C’est fini. Ils sont à Aix. M’est avis que l’Anglais a eu du mal.  
    Il n’était pas réglementaire de parler à l’homme de barre et Bottereaux fronça les sourcils, mais Verdier grommela tout de même :  
    — Et nous, pendant ce temps, on se tire comme des froussards. J’aurais voulu être avec eux !  
    — Tu y seras bien assez tôt, mon gars, si tu vis assez longtemps, répondit Hazembat qui se sentait soudain très vieux.  
    Et, traînant la patte après la longue journée, il alla chercher un peu de repos dans son hamac.  
    Pendant les jours qui suivirent, le Mathurin-Mary accomplit encore quelques besognes subalternes dans l’embouchure de la Charente, puis reçut l’ordre de rallier Bordeaux.  
    Il mouilla devant les chantiers de Bacalan le 6 Nivôse, par temps gris et bruineux. Les Vendéens n’étant pas considérés comme sûrs, l’équipage ne fut pas autorisé à débarquer et Hazembat se contenta de regarder de loin les chantiers de construction navale où Jantet et lui avaient partagé leur dernier repas de confitures avant son embarquement sur la Belle de Lormont en 1794.  
    Jantet travaillait alors à la construction de la Bayonnaise et avait fini par réaliser son rêve d’y naviguer. Où se trouvait-il maintenant ? Il était homme à gagner du grade : second maître charpentier Jean Rapin, dit Jantet, pour vous servir. Hazembat, lui, pouvait espérer tout au plus passer matelot de l re classe l’année suivante, mais son passé de corsaire, voire, peut-être, de pirate, n’était pas fait pour favoriser son avancement et ce n’était pas sur un vieux chasse-marée qu’on pouvait avoir des espoirs de promotion au combat.  
    Il s’en moquait, d’ailleurs. Cela avait toujours été ainsi. Egalité ou pas, il y aurait toujours cette différence entre les Rapin et les Hazembat. Perrot et Hazembat père avaient servi côte à côte sur l’ Argonaute pendant la guerre d’Amérique, mais Perrot, qui avait son brevet de lieutenant au commerce, était premier maître, alors qu’Hazembat était simple gabier. A Langon, les Hazembat et les Rapin vivaient ensemble dans la Maison du Port, mais la maison appartenait aux Rapin et la seule maîtresse en était tante Rapinette.  
    Tout cela n’était pas bien grave. Au cours de ses navigations d’adolescence, Hazembat avait appris ce qu’était la véritable inégalité. La cocarde tricolore qu’il portait au cou n’était pas seulement un souvenir sentimental, c’était aussi le symbole de la phrase que l’abbé Vital Laffargue lui avait une fois lue en détachant bien les mots et qui s’était à jamais gravée dans son cœur : «  Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Il fallait avoir vu la misère désespérée qui grouillait hideusement dans les quartiers populaires des ports, il fallait surtout avoir connu les horreurs de l’esclavage et de la traite des nègres, pour bien comprendre ce que cette phrase voulait dire, infiniment plus, sans doute, que ne l’imaginaient ceux qui l’avaient écrite.  
    Non, Hazembat ne se plaignait pas de l’inégalité pour lui-même. Tant qu’il y aurait de la besogne à abattre et des rations à se mettre sous la dent, il pourrait prétendre, comme son père, à une vie sans honte et, comme son grand-père, à une mort de marin.  
    Mais entre la vie et la mort, il y avait Pouriquète. Depuis leur petite enfance, Pouriquète était sa « bonne amie », mais, lors de son dernier séjour à Langon, ce qui n’était qu’une sorte de jeu s’était transformé en quelque chose d’infiniment profond, douloureux et tendre.  
    Hazembat jeta un coup d’œil sur la rivière embrumée. Il arrivait qu’un courau de Langon descendît jusqu’à Bacalan, mais le trafic était faible et c’était toujours la même perspective de navires désarmés, leurs vergues calées contre les mâts. Langon était à peine à douze lieues en amont, mais cela faisait aussi loin que les Antilles à mille. Dans la marine de guerre , Hazembat avait même plus de chances de retourner à Pointe-à-Pitre qu’à Langon. Sa pensée revint à Belle Lafortune, la jolie mulâtresse pour qui, une fois, il avait trahi Pouriquète. Elle devait avoir épousé Céleste Laprune. Etait-elle déjà devenue, comme elle disait, une grosse poule pondeuse de

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