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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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navire, ce ne doit guère être agréable pour lui de le retrouver. Et puis, officier sur une frégate, c’est autrement prometteur pour sa carrière que de commander un putain de baquet qui ne perd pratiquement jamais la côte de vue.  
    Verdier prit la barre pour doubler la pointe du Chapus et la conserva tout au long du courau d’Oléron sous l’œil vigilant de Le Guillou. Il ne rendit les manettes à Hazembat qu’après la Passe aux Bœufs, pour conduire le lougre jusqu’au Port aux Barques, dans l’estuaire de la Charente.  
    Le Mathurin-Mary ne s’attarda que trois jours à Rochefort, le temps de déposer des sacs de courrier et de décharger du matériel d’accastillage. L’équipage resta consigné à bord.  
    Le troisième jour, une allège vint apporter du ravitaillement destiné à la frégate la Brillante qui croisait au nord d’Oléron pour surveiller l’entrée du Permis d’An-tioche. Puis, tard dans la soirée, une barge de soldats vint accoster le lougre. C’était une compagnie de fusiliers qu’il fallait transporter au fort du château d’Oléron.  
    La traversée fut heureusement courte et elle se fit de nuit, avec deux sondeurs dans les porte-haubans. Tout le long du trajet, Hazembat se tint à côté de Verdier dont la main experte anticipait presque les commandements de Le Guillou. Il n’était pas question de dormir avec quelque cent cinquante hommes et leurs paquetages entassés dans tous les espaces libres du petit navire. Malgré la mer calme, il y eut beaucoup de nausées dans l’air confiné de l’entrepont et Hazembat songea avec sympathie aux matelots qui devraient fauberter le lendemain matin.  
    La nuit pâlissait quand, dans de grands raclements de bottes, les derniers soldats prirent pied sur la barge envoyée du fort. Au moment où le lougre quittait le mouillage, Hazembat, qui aurait dû prendre son quart à quatre heures du matin, voulut relever Verdier, mais Le Guillou le retint.  
    — Tu prendras le quart de huit heures, quand nous seront dans le Pertuis de Maumusson. Cap plein sud, Verdier ! Cousseau, toute la voile !  
    Hazembat qui était resté à côté de Verdier lui demanda :  
    — La pointe de l’île n’est qu’à une douzaine de milles dans le nord-ouest. Pourquoi fait-on route plein sud ?  
    — Le Guillou préfère éviter le Pertuis d’Antioche et contourner l’île par le sud. Ça fait deux fois plus de chemin mais, si une voile anglaise se montre, avec la côte par tribord, on a tout l’espace qu’on veut pour filer sous le vent.  
    Une heure plus tard, Verdier passa la barre à Hazembat et s’en fut vers son hamac, titubant de fatigue. Bottereaux avait relevé Le Guillou. Il attendit que la côte de l’île eût disparu derrière l’horizon pour faire mettre la barre nord-ouest, puis il fit établir le tourmentin pour donner plus de prise au vent sur la proue.  
    Courant grand largue, le Mathurin-Mary était à sa meilleure allure. Bien planté sur ses jambes, Hazembat respirait avec délices la brise glacée qui lui cinglait le corps. Pour la première fois depuis de longs mois, il avait l’impression de se retrouver en haute mer. L’envie le prenait de mettre la barre à bâbord et de piquer sur les Antilles. Aurait-il l’occasion d’y retourner jamais ? Machinalement, sa main alla chercher sous sa chemise la cocarde qu’il portait sur sa poitrine. Sans quitter le compas des yeux, il la porta à ses narines, mais les rafales de nordé balayaient même l’illusion des parfums subtils. Avant de reglisser la cocarde sous sa chemise, il y posa les lèvres sans trop savoir si c’était le visage vif et souriant de Pouriquète qu’il embrassait ou celui de Belle, paré d’une sombre et nostalgique magie.  
    Un peu après dix heures, le vent sauta au nord-ouest et des nuées grisâtres accoururent du fond de l’horizon. La brise fraîchit, tout aussi glaciale, mais plus humide, et la mer devint clapoteuse. Aussitôt alerté, Le Guillou fit prendre un ris et amener le tourmentin. Changeant d’amures, il remonta dans le vent, nord-ouest un quart nord, à petite allure.  
    A midi, Verdier vint relever Hazembat. Il scruta l’horizon d’un air connaisseur, puis tendit un doigt.  
    — La pointe de Chassiron par un quart tribord. Hazembat eut beau cligner des yeux, il ne vit que la crête grise des vagues se confondant avec les nuages bas.  
    — Je ne vois rien.  
    — Parce que tu ne sais pas qu’elle

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