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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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îlot ou un rivage désert où Lesbats en personne se rendait avec des hommes de confiance – jamais les mêmes – pour mettre son butin à l’abri dans une des caches secrètes qu’il s’était ménagées. Il arrivait aussi qu’on relâchât sur la côte des Etats-Unis et que le capitaine traitât avec des banquiers, mais cela était de moins en moins fréquent à mesure que les exactions des corsaires suscitaient une hostilité croissante chez les Américains. Le plus souvent, quand on touchait terre, c’était dans un petit port perdu de la Nouvelle Espagne ou de la Nouvelle Grenade, parfois même en Guyane. Il y avait toujours du tafia et des filles.  
    Dans le sac de Sam, Bernard avait trouvé des vêtements en bon état, des bottes et une paire de pistolets. Fort de cet héritage, il n’était pas le dernier à faire le faraud et nombreuses étaient les filles qui succombaient à sa rude séduction. A Cayenne, il y eut même un petit scandale quand il séduisit la maîtresse d’un proscrit politique de marque. Ses succès féminins lui valurent le surnom flatteur de Chaud-du-rein qu’il porta le reste de sa vie dans la marine.  
    Les mois passèrent ainsi. Ekwé, tout à fait acclimaté, s’était fait des amis parmi les nègres de l’équipage recrutés au hasard des escales et des prises pour remplacer les tués et les blessés. Il leur arrivait de chanter et de danser sur le pont et cela rappelait à Bernard la traversée de l’ Abigail avec son chargement d’esclaves. Au cours de ces fêtes, Ekwé arborait fièrement le bonnet rouge dont Bernard lui avait fait cadeau lorsqu’il avait vidé son sac.  
    Le 4 Nivôse de l’An V – c’était le soir de Noël 1796 –, la Belle de Lormont croisait sous voilure réduite en vue des côtes de Saint-Domingue. Hazembat était à la barre et, sur le pont endormi, régnait le silence des nuits calmes. Sous le ciel couvert, on ne devinait la terre qu’à une infime variation de l’intensité du noir à la hauteur où les yeux cherchaient l’horizon. Un léger clapotis brisait en mille éclats le reflet du fanal accroché à la vergue du volant d’artimon, celui-là même qui avait failli causer la mort de Sven.  
    Comme toujours lorsqu’il était de quart la nuit, Hazembat avait glissé les pistolets de Sam dans sa ceinture, chargés, mais non armés. L’expérience lui avait appris que rien n’est plus traître que les nuits calmes en mer. Deux fois déjà, des pirates avaient tenté des attaques par surprise. La deuxième, qui s’était produite au mouillage, avait bien failli réussir.  
    Le bruit d’un taquet tombant sur le pont le fit tressaillir. Il jeta un coup d’œil à l’officier de quart qui se tenait appuyé à la rambarde du gaillard d’arrière, les yeux perdus vers la haute mer. C’était le cinquième lieutenant, un mulâtre de la Martinique, appelé Larrivée. Comme rien ne se passait, Hazembat reprit sa veille, fixant alternativement le compas et la ligne d’horizon, à peine visible au-delà du beaupré.  
    De nouveau, un bruit se produisit plus près, par bâbord, et il fut sûr de distinguer une ombre qui se glissait le long des chaînes de haubans. Cette fois, Larrivée tourna les yeux en direction du bruit et s’avança de quelques pas.  
    — Qui est là ? demanda-t-il. Aussitôt, la réponse vint :  
    —  Moin Ekwé ,’ ieut’nant, moin li ka jeté salop’ie cuisin ’  !  
    —  On ne t’a pas appris qu’il fallait faire ça du côté sous le vent ? Allez ! ouste ! retourne à la cuisine et rapporte-moi du café !  
    Hazembat eut l’impression qu’Ekwé s’attardait un instant près de la rambarde et faisait un geste. Peut-être jetait-il par-dessus bord un dernier détritus. Il aurait aussitôt oublié l’incident si, un moment plus tard, une très légère modification du clapotis n’avait attiré son attention. Par-dessus le rythme régulier des vaguelettes léchant la coque au passage, il croyait percevoir une autre cadence, plus lente, plus sourde. Il prêta l’oreille. A bien écouter, on distinguait même plusieurs cadences qui se faisaient de plus en plus nettes.  
    — Lieutenant ! appela-t-il à voix basse.  
    — Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Larrivée.  
    — J’ai l’impression qu’il y a des embarcations qui viennent par notre avant sur bâbord.  
    — Tu rêves !  
    Néanmoins, il s’avança et prêta l’oreille à son tour. Ce qu’il

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