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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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imitaient en désordre. Dans la confusion, Hazembat sentit une main se poser sur son épaule et la voix d’Ekwé souffla à son oreille :  
    —  Moin li ka allé là fè’es à moin. Bonjou’ami à moin !  
    Souple et silencieux, il plongea par-dessus la rambarde.  
    Soudain, ce fut le silence, rompu seulement par les gémissements des blessés et quelques coups de gueule de la maistrance. Puis, dans un long rugissement, le navire fut secoué par une volée de tous les canons de bâbord. C’était plutôt pour la forme, car il n’y avait guère de chances de toucher une embarcation dans l’obscurité.  
    Barre, qui remettait son uniforme en ordre, vint consulter sa montre à la lueur de la lanterne.  
    — Dix heures douze, grommela-t-il. Au total, ça a duré dix-huit minutes. On dirait toujours que c’est beaucoup plus long.  
    L’ancien curé jureur qui avait remplacé Mondin comme chirurgien de bord achevait de panser une blessure légère au front de Lesbats. Roumégous s’avança jusqu’à la passerelle, suivi d’une troupe qu’on distinguait mal dans l’obscurité.  
    — Le maître d’équipage au rapport, commandant. Nous avons cinq blessés et quatre morts, dont le lieutenant Larrivée. Quinze hommes d’équipage et un second maître ont déserté. L’ennemi a laissé douze morts et… pas de blessés. Il y a cinq prisonniers.  
    — Où sont-ils ?  
    Sur un geste de Roumégous, les prisonniers furent poussés jusque dans la zone éclairée par la lanterne. C’étaient tous des nègres. L’un d’entre eux portait un uniforme à peu près complet de l’infanterie de ligne française.  
    — L’officier dans ma cabine, dit Lesbats, les autres aux fers.  
    Hazembat venait de passer la barre à Le Coadic quand, son interrogatoire terminé, l’officier rejoignit ses hommes à fond de cale. A l’aube, ils se balançaient tous les cinq à la grande vergue.  
    — Foutre de merde ! dit Roumégous qui avait commandé l’exécution, ça me fout la moustouille aux tripes de voir un uniforme français accroché là-haut !  
    Le bruit courait dans l’équipage que les agresseurs appartenaient à l’armée du général nègre Toussaint Louverture dont on ne savait trop si elle se battait contre les Anglais, les Espagnols ou les Français. Il ne filtra rien de ce que Lesbats avait appris de l’officier, mais la Belle de Lormont qui, de notoriété publique, se rendait à Port-Républicain, ci-devant Port-au-Prince, changea de cap et, après huit jours de navigation prudente, alla mouiller dans une crique d’une des Petites Bahamas où se trouvaient déjà deux petits bâtiments de nationalité indéfinie.  
    L’escale dura tout le mois de janvier. Manifestement, Lesbats tenait à s’informer avant de décider de ses actions futures. Les Anglais ne se montrèrent pas, ce qui en disait long sur les difficultés qu’ils rencontraient pour contrôler la situation dans les Antilles. En revanche, quelques lougres et schooners américains relâchèrent, venant de la côte de Floride, relativement proche. Plusieurs fois, leurs patrons vinrent rendre visite à Lesbats et s’enfermèrent avec lui dans sa cabine.  
    Le navire restait constamment en alerte, prêt à prendre la mer en quelques minutes. L’équipage n’était pas autorisé à se rendre à terre. Pourtant, Hazembat participa, avec quelques fortes têtes, à plusieurs expéditions clandestines jusqu’au minuscule village habité par une cinquantaine de nègres marrons et leurs familles. Il s’y fit quelques faciles conquêtes avec des filles noires, rieuses et passives comme l’avait été Flora.  
    Le 2 février 1797, c’est-à-dire le 13 Pluviôse de l’An V selon le calendrier républicain dont Lesbats avait rendu l’usage obligatoire à bord, les sifflets de la maistrance appelèrent les hommes aux postes d’appareillage. Toutes voiles dehors, la Belle de Lormont sortit de la crique et mit le cap est-nord-est par grand beau temps et bonne brise de nordé.  
    Quand le navire fut en haute mer, Lesbats réunit l’équipage devant le gaillard d’arrière.  
    — Citoyens matelots, dit-il, depuis trois ans que la Belle a quitté le port de Bordeaux, elle s’est couverte de gloire contre l’Anglais. Mais la flibuste n’a qu’un temps. Les armées de la République remportent des victoires éclatantes en Italie. Il est temps pour nous d’aller nous joindre à la guerre qui chassera l’Anglais de

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