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Marseille, 1198

Marseille, 1198

Titel: Marseille, 1198 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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d’eux avait
l’idée de se pencher à la fenêtre, il les verrait.
    Guilhem regarda autour de lui. La portion de lune
blafarde permettait à peine de percer l’obscurité. Il se trouvait sur une
étroite plate-forme au pied de la falaise. Au-delà, la pente se prolongeait,
moins raide, mais envahie d’épaisses broussailles et de ronces. Roncelin lui
tendit une ceinture et une épée qu’il ceignit rapidement, puis il posa sur sa
tête le casque que le vicomte lui donna. Roncelin avait rassemblé presque toutes
les armes qu’ils avaient jetées, mais ils ne pourraient tout emporter. Guilhem
choisit les deux hauberts de mailles qu’il jeta sur son épaule, puis il hésita
entre une hache et le marteau à pointes, prenant finalement le marteau qu’il
savait bien utiliser. Roncelin lui proposa le bouclier qu’il refusa, en
revanche il passa sur ses épaules un second baudrier avec une épée et surtout
le sac contenant le butin d’or. Roncelin s’était aussi chargé de tout ce qu’il
pouvait porter et avait retrouvé le pain.
    — Il y a du bruit, là-bas, le prévint-il en
lui désignant la muraille sur leur droite.
    On sentait toujours la prenante odeur de soufre,
celle de la poudre noire du Perse. Guilhem songea à la dernière déflagration
qu’il avait entendue, celle qui venait de ce côté-ci du château. Comment Nedjm
Arslan avait-il réussi à percer la paroi rocheuse ? C’était inimaginable,
et pourtant c’était la seule explication. Quant aux bruits qu’ils entendaient,
était-ce ses amis, ou des gens du château qui s’apprêtaient à les poursuivre ?
Il distingua la lueur d’un falot ou d’un flambeau dans la direction indiquée
par Roncelin et un amas de pierres dévala soudain la pente. En même temps
retentirent des bribes de phrases incompréhensibles, des halètements et des
cliquetis d’armes.
    — Encore un effort et nous pourrons
passer ! cria soudain distinctement une voix. Ils ne peuvent être
loin !
    On creusait, ou on dégageait un passage. D’après
ce qu’il venait d’entendre, c’étaient des gens du château. Ils étaient donc
certainement nombreux. Comment les éviter ? Roncelin attendait qu’il
prenne une décision. Guilhem jeta un regard du côté opposé aux voix, mais les
broussailles paraissaient infranchissables. Pour avoir regardé depuis le sommet
du château, il se souvint aussi que dans cette direction la falaise était
abrupte, tandis qu’une sente serpentait sur l’autre versant. Ils devraient donc
passer devant le trou d’où provenaient les bruits. Il sortit son épée, tenant
tout ce qu’il transportait sur son épaule de l’autre main, et s’engagea avec
précaution sur le sentier obscur. Roncelin le suivit.
    Ils approchaient de la lueur quand se produisirent
de nouvelles chutes de pierres suivies du fracas d’un éboulement et de
hurlements de douleur. Sans qu’ils s’y attendent, deux ombres surgirent devant eux :
    — Ils sont là ! hurla une voix affolée.
Venez vite !
    — Le passage s’écroule ! lança une
autre, plus étouffée.
    Guilhem n’avait pas hésité et s’était jeté sur la
première silhouette en brandissant son épée. L’autre avait les mains vides, car
il devait être occupé à dégager des pierres. Comprenant qu’on l’attaquait, il
recula et bouscula son compagnon derrière lui. La lourde épée s’abattit sur son
épaule, provoquant un craquement, et il se mit à hurler. Guilhem frappa une
seconde fois, lui faisant dévaler la pente, puis il donna un coup d’estoc au
second homme qui tentait de s’enfuir à quatre pattes par le trou à demi bouché.
    — La voie est libre, dit-il à Roncelin,
déguerpissons !
    Maintenant que leurs yeux étaient accoutumés à
l’obscurité, ils distinguaient la sente qui descendait entre les broussailles
de cistes et de ronces. Mais la pente était raide et ils tombèrent plusieurs
fois, se relevant avec difficulté à cause de ce qu’ils portaient. Roncelin
jurait à mi-voix, mais Guilhem ne le laissait pas s’arrêter et se reposer,
certain que les gens du château finiraient par passer par le trou et les
poursuivraient. Au bout d’un temps qui parut interminable, épuisés par les
charges qu’ils transportaient, ils atteignirent un terrain plus plat.
    — Par où allons-nous ? demanda Roncelin,
à bout de souffle.
    Guilhem tentait de trouver des repères, mais il
faisait trop sombre. Il regarda le ciel et, malgré les nuages, reconnut

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