Marseille, 1198
était une sorte d’armoire formant crédence.
Il s’en approcha et dut tâtonner un instant pour
trouver l’ouverture de la porte. À l’intérieur, il y avait toutes sortes de
parchemins, certains roulés, d’autres pliés. Celui qu’il cherchait était
au-dessus. Il le lut et le glissa dans sa heuse droite.
Avisant alors un gros pain de seigle sur la table
poussée sur le mur opposé, il le prit et, voyant que Roncelin avait laissé
glisser le sac en bas de la muraille, il jeta à son tour le pain par la
fenêtre.
— Seigneur vicomte, descendez le premier,
dit-il.
Roncelin parut hésiter tandis que Baralle
s’approchait. En la voyant ainsi, Guilhem comprit que sa passion était si
violente qu’elle égarait son esprit et refusait de voir la lâcheté du vicomte.
« L’amour ne croit ni les médisances ni le témoignage des yeux quand
ils rapportent une trahison », chantait-il souvent. Par Dieu, il
découvrait combien c’était vrai !
Roncelin ne fit aucun geste et ne chercha même pas
à embrasser celle qui se pâmait pour lui. Il lâcha seulement ces mots sans
chaleur :
— Adieu, Baralle.
Elle resta figée, devinant ce que serait sa
malheureuse destinée près de Hugues des Baux.
Un vacarme interrompit brusquement cette pénible
scène. On frappait à coups redoublés à la trappe de l’escalier et des éclats de
voix retentirent.
Chapitre 31
— S eigneur ! Ouvrez-nous, le château est menacé !
criait-on.
— Descendez, vite ! ordonna Guilhem à Roncelin.
Le vicomte se pencha par la fenêtre avec
inquiétude. On ne voyait ni le sol ni le bas de l’échelle qui était extrêmement
étroite. Il eut un regard dubitatif quant à la solidité du crochet scellé dans
le mur et grimaça :
— Croyez-vous que cela tiendra ?
— Il n’est plus temps d’y songer !
Prévenez-moi dès que vous serez en bas. Pendant que je vous rejoindrai,
rassemblez toutes les armes que vous retrouverez.
Roncelin hocha du chef puis, sans un dernier
regard pour Baralle, il enjamba la fenêtre et disparut. Guilhem se pencha et le
vit lentement descendre.
Il ne pouvait le suivre immédiatement, car le
crochet n’aurait pas supporté leurs deux poids. Les coups redoublaient à la
trappe et il se tourna vers la fermeture avec inquiétude. Les gens du château
devaient maintenant frapper avec un bélier, car les encoches de fer qui
tenaient les barres commençaient à se desceller. Baralle restait immobile,
silencieuse, indifférente. Des larmes coulaient sur ses joues. Des larmes
d’amour, de honte ou de regret ?
Guilhem se dirigea vers le huchier et, avec
difficulté tant il était lourd, le poussa sur la trappe. Puis il revint à la
fenêtre et se pencha à nouveau, sans rien distinguer. Tout à coup, il sentit
que l’échelle s’était détendue. Sans attendre le signal de Roncelin, il enjamba
l’appui. Il prenait position sur les premiers barreaux quand il entendit le
vicomte lui crier qu’il était arrivé.
Guilhem eut un dernier regard vers Baralle auquel
elle ne répondit pas.
La descente fut plus difficile qu’il ne l’aurait pensé,
l’échelle bougeait en tous sens et il devait prendre garde à ne pas érafler ses
doigts contre la falaise, même si ses gants le protégeaient. De plus, sa
poitrine le faisait horriblement souffrir. En même temps, il s’inquiétait de
l’indifférence qu’avait affichée la dame des Baux quand elle l’avait vu partir.
Et si elle prenait sa revanche en coupant l’échelle ? Il se préparait à
une chute qui heureusement ne vint pas, quand il entendit une voix très proche
et pourtant étouffée.
— Vous y êtes, vous pouvez sauter
maintenant !
C’était la voix de Roncelin, mais il chuchotait,
comme s’il avait peur qu’on ne l’entende. Pourquoi ? se demanda Guilhem,
tous les sens en alerte.
Il sauta pourtant, satisfait de retrouver le sol
ferme. Aussitôt, il leva les yeux et aperçut, à une trentaine de toises
au-dessus, l’ouverture par laquelle il était passé, vaguement illuminée.
Baralle était-elle en train d’ouvrir la porte ou la trappe ? Elle aurait
du mal à pousser le coffre, mais y parviendrait avec l’aide de sa servante.
Ils devaient avoir disparu dans la nuit au plus
vite, car si les gens du château avaient des arbalètes, ils feraient des cibles
faciles, d’autant que la grande salle, sous la chambre, était aussi éclairée.
Elle devait être pleine de serviteurs et de gardes et si l’un
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