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Marseille, 1198

Marseille, 1198

Titel: Marseille, 1198 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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derniers cavaliers était attaché au pommeau de sa selle. Celui-là
ne portait pas d’arme. Était-ce un prisonnier ? Mais déjà son attention
était attirée par un troupeau de moutons et de chèvres qui suivait la troupe.
Le jeune berger qui le conduisait était difforme et boitait. Sa tête, deux fois
plus grosse que la normale, remuait sans cesse de façon saccadée.
    — Rentrons, on va servir la table !
décida le fermier après avoir regardé le ciel assombri par de gros nuages de
neige. D’ailleurs voilà les cousins…
    Suivis de quelques chiens, deux hommes arrivaient,
en guêtres et pèlerine à capuchon, poussant devant eux six cochons bien gras
qu’ils avaient dû conduire dans les bois. Guilhem vit aussi revenir de
l’Arcoule deux jeunes femmes en cotte de laine portant des houes et des paniers
emplis de chardons, de carottes et de choux.
    Il rentra dans la cour, revint jusqu’à la bergerie
et prit la boîte contenant sa vielle, tout en gardant son épée. Il se rendit
ensuite au corps de logis principal, tandis que les moutons entraient en
bêlant.
    Devant la porte, il trempa ses mains dans un
tonneau empli d’eau de pluie en songeant qu’il aurait dû prendre le temps
d’aller jusqu’à la rivière pour se laver.
    La sombre pièce basse dans laquelle il pénétra
était tout en longueur et enfumée. Des feuilles de roseaux étaient répandues
sur le sol en terre battue. Une femme remuait lentement le contenu d’une grosse
marmite de fer pendue à une crémaillère, dans la cheminée, sur un feu de
sarments. Deux autres posaient des bols de terre sur une longue table de planche.
Trois ou quatre molosses se dressèrent et vinrent à sa rencontre en grognant.
    — Pax ! lança une des femmes.
    Les chiens ne devaient attendre que ça, car ils se
recouchèrent et l’ignorèrent.
    Il salua les femmes et s’avança. Au-delà de la
cheminée, une autre femme âgée filait de la laine avec une quenouille. Plus
loin encore, il vit des paillasses serrées sur de grands cadres de bois. Sur le
plus grand lit, de petits enfants jouaient avec une jeune fille aux pieds nus
qui tressait des joncs en panier. Elle le regarda avec surprise. Il lui sourit
et revint vers la table.
    — C’est vous le troubadour ? demanda
celle qui posait les bols.
    Elle devait avoir vingt ans mais ses cheveux en
chignon, sous un voile, étaient déjà gris. Les traits de son visage étaient
tirés, creusés. Sa peau était rêche et sale.
    — C’est moi, gente damoiselle.
    Elle sourit.
    — Pourquoi cette épée ?
    — Comment s’en passer en voyage ? Il y a
tant de larrons.
    Trois hommes entrèrent avec Antoine. Guilhem posa
la boîte à vielle et le fourreau contenant son épée sur une huche vermoulue,
tandis qu’ils s’asseyaient sur les bancs. Le prêtre arriva en marmonnant une
bénédiction pendant qu’Antoine présentait Guilhem à ses compagnons. Après quoi
d’autres femmes, d’autres hommes et des jeunes gens les rejoignirent.
Finalement, ils se retrouvèrent une grosse vingtaine autour de la table.
    Pendant le bénédicité, Guilhem poursuivit ses
observations. Devant lui, deux haches étaient accrochées au mur. Un peu plus
loin, c’étaient des fourches, des houes, une échelle, des serpes et des
faucilles. Dans un recoin, il vit des paniers d’osier pleins de grains
d’épeautre, ainsi qu’un moulin à main. À une poutre, des canards étaient pendus
par les pattes et sentaient déjà fort.
    On lui servit une épaisse bouillie grisâtre. Il
n’y avait pas de cuillères pour tout le monde. Il mangea donc le gruau avec sa
main, comme les enfants. La pâte était épaisse, fétide, un peu amère. Il
distingua pourtant le goût du seigle et du chou qu’on y avait mélangé pour en
améliorer la saveur. La bouillie était cependant moins mauvaise qu’il ne le
craignait, car on l’avait fait cuire dans une graisse de porc. Il y avait deux
cruches sur la table et des pots de terre à partager à deux ou trois. Il prit
celui de son voisin et le remplit. C’était une piquette de vin aigre coupée
d’eau, à peine buvable.
    Les hommes commentaient leur journée de travail,
parlaient des moutons et des porcs, des clôtures et des labours. Le fermier
interrogea le jeune berger sur les pâturages. Il lui répondit qu’il n’y avait plus
beaucoup d’herbe, puis ils en vinrent à la troupe qui était passée devant la
ferme. Guilhem, dont la faim était apaisée par le lourd gruau, prêta

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