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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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n’est pas vrai.
    — Attendez que je pose la question, avant de dire que ce n’est pas vrai. Votre petite sœur et vous, vous vous amusiez, vous commettiez des actes impurs, et c’est pour ça que votre mère voulait vous empêcher de coucher ensemble, n’est-ce pas ?
    — Ça, c’est de la menterie.
    Les mots se mêlaient aux sanglots, à peine audibles.
    L’attitude de Napoléon Francœur écœura Mathieu. Le vieux garçon semblait croire que le «péché de la chair»
    pouvait justifier tous les sévices imposés à la victime.
    — N’est-il pas vrai qu’Aurore a admis ses péchés devant ses parents, devant vous ?
    — Non, elle ne l’a pas dit.
    — Elle a tout admis devant votre père ?
    — Elle n’a pas parlé de ça.
    Marie-Jeanne ne clamait plus l’inexistence de ces mauvaises actions, mais seulement la discrétion de la victime.
    Certains verraient là un aveu.

    — Qu’est-ce qu’elle a dit, alors ?
    — Elle n’a jamais parlé.
    — Aurore, huit jours avant sa mort, a tout raconté...
    — Non.
    — ... à votre mère et à votre père. Tout ce qui s’était passé durant la messe, pendant qu’ils étaient partis ?
    Toujours en pleurs, Marie-Jeanne secouait la tête de droite à gauche.
    — Elle n’a jamais rien raconté de ça, sanglota-t-elle.
    — Elle n’a jamais rien raconté de ça, vous jurez ça, vous?
    — Oui.
    — Et vous n’avez jamais rien fait avec Aurore, Marie-Jeanne?
    La réponse se perdit dans des sanglots sonores. Mathieu se retourna à demi. L’assistance composée d’avocats, d’étudiants en
    droit
    et
    de
    journalistes
    écoutait
    attentivement,
    visiblement écœurée, mais en même temps fascinée par le sujet scabreux. Tout le monde paraissait oublier le véritable motif de ce procès : une petite fille était morte des coups reçus.
    Le juge lui-même, quelques minutes plus tôt ému jusqu’aux larmes par les sévices, se pencha en avant pour chuchoter :
    — Maître Francœur demande si vous n’avez jamais fait des actes impurs avec Aurore.
    Quelque chose dans le ton rasséréna tout de même la fillette, car elle prononça un «Non» d’une voix ferme.
    L’avocat de la défense mima la plus grande surprise, comme scandalisé par un odieux mensonge.
    — Avec le petit Gérard ? insista-t-il. Vous et votre sœur, vous n’avez commis aucun acte impur avec Gérard ?
    — Non.

    — N’est-il pas vrai qu’Aurore a raconté à votre mère et à votre père, devant vous, qu’un dimanche, pendant la messe vous vous étiez mises toutes nues, toutes les deux ?
    — Ça, ce n’est pas vrai.
    — Aurore n’a jamais dit ça ?
    — Non.
    — Vous persistez à dire que ce n’est pas vrai ?
    La colère aidait maintenant Marie-Jeanne à retrouver un peu ses moyens.
    — Je le sais bien, moi, que ce n’est pas vrai, martela-t-elle.
    — C’est votre mère qui a inventé ça ?
    — Oui, c’est maman qui a inventé ça.
    — Et votre père aussi ?
    Cette fois, elle regarda l’avocat dans les yeux, comme avec un air de défi.
    — Papa n’a jamais parlé de ça. C’est maman.
    La précision laissa Francœur un peu songeur. Peut-être comprenait-il seulement à cette minute que la belle-mère seule accablait ses enfants. Francœur inspira longuement, désireux de calmer un peu son impatience.
    — Vous prétendez que votre père et votre mère ont inventé toute cette histoire ? C’est bien cela ?
    — Ma mère, oui.
    — Ce même dimanche, vous avez voulu vous servir du petit bébé de huit mois dont vous aviez la garde.
    Marie-Jeanne ouvrit des yeux effarés, la stupeur se faisait sentir dans la salle.
    — Vouliez-vous donner votre sein au petit bébé ?
    Cette petite fille, dont on vantait les aptitudes maternelles, pouvait
    avoir
    mimé
    ces
    gestes
    d’adulte.
    Francœur
    réussissait à en faire un acte odieux.
    — Ce sont des menteries.

    — Lorsque votre mère vous a fait des réprimandes à ce sujet, vous avez répondu en connaître bien long. Vous avez déclaré avoir appris tout cela à l’orphelinat d’Youville, pendant votre séjour de deux ans.
    L’allusion suscita une nouvelle rumeur dans la salle. Pareille accusation éclaboussait indirectement les religieuses.
    — Je n’ai jamais dit ça.
    — Marie-Jeanne, une fois vous avez attaché votre petite sœur Aurore..
    -Ça...
    Francœur ne la laissa pas terminer, pour poursuivre d’une traite :
    — Vous lui avez bandé les yeux et vous avez voulu vous servir d’une bouteille sur

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