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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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elle ?
    — Je n’ai jamais fait ça.
    — Gérard était là aussi !
    La dénégation se perdit encore dans les pleurs.
    — Vous jurez ça? Rien de tout cela ne s’est produit?
    — Non.
    — Vous prétendez que ce sont des inventions de votre père et de votre mère ?
    De nouveau, personne n’entendit un son, même si les lèvres s’agitèrent brièvement. Mathieu souhaitait prendre cette brute par le collet pour lui enfoncer la tête dans la cuvette de la toilette la plus proche et tirer la chasse d’eau.
    Le vieux célibataire se complaisait dans son cloaque.
    — Voulez-vous répondre à ma question ? s’acharna-t-il avec une certaine brutalité.
    — Je suis fatiguée.
    — Tout ça, ce sont les inventions de votre père et de votre mère ?
    Ses pleurs bruyants envahissaient maintenant la salle.

    — Ce n’est jamais arrivé, ça?
    Un malaise saisissait maintenant l’assistance. Chacun prenait conscience de la profonde inconvenance de la scène, inutilement cruelle et vulgaire. Toute cette discussion n’avait rien à faire avec le motif de ce procès.
    Le juge se pencha vers l’avant, puis proposa sur le ton d’un grand-père :
    — Asseyez-vous un instant, mademoiselle.
    Mathieu se dévoua, prit sur lui d’apporter sa chaise derrière la barre,
    pour
    permettre
    à
    la
    petite
    fille
    de
    se
    reposer un peu. Ils échangèrent un long regard, puis le jeune homme alla s’appuyer contre le mur, près des bancs des spectateurs.
    Pendant quelques minutes, Marie-Jeanne sanglota. De guerre lasse, toisant l’avocat de la défense, Louis-Philippe Pelletier déclara :
    — Nous allons suspendre l’audience jusqu’à deux heures afin de permettre à tout le monde de se reposer un peu.
    Sur ces mots, visiblement ému, le magistrat ramassa ses papiers et quitta la salle précipitamment. Les spectateurs demeurèrent immobiles un instant, les yeux fixés sur l’accusée.
    Des agents de la paix la firent sortir par une porte dérobée.
    Francœur avait raté sa sortie : à l’heure du repas, sa brutalité marquerait l’esprit des jurés.
    Puis, toute l’attention se reporta sur Marie-Jeanne, courbée sur sa chaise, toujours en pleurs. Mathieu s’approcha de la barre pour poser la main sur l’épaule de sa protégée.
    — Viens, nous allons retourner dans la salle à côté.
    Elle lui emboîta le pas docilement, les yeux résolument fixés sur le plancher, sous les regards de l’assistance. Alors qu’ils passaient la porte, le jeune homme entendit une voix gouailleuse :
    — L’un de ces jours, Napoléon, tu nous raconteras au Club de réforme si toi et ton frère, enfants, vous preniez une bouteille
    pour
    vous
    amuser.
    Le
    sujet
    semble
    t’intéresser.
    Cet interrogatoire, devant un parterre de juristes, ne servirait pas la réputation du député de Lotbinière. Faire pleurer les fillettes nuisait aux vedettes des prétoires.

    *****
Dans la salle située au bout du corridor, la petite fille se laissa tomber sur une chaise, passa rageusement son avant-bras sur son visage afin d’essuyer ses larmes sur sa manche.
    — Si tu le désires, suggéra Mathieu, je vais aller chercher quelque chose à manger.
    L’affluence au palais de justice justifiait la présence d’une petite buvette au sous-sol. Les avocats paraissaient se nourrir exclusivement de sandwichs.
    — ... Je ne veux pas rester seule.
    — Dans ce cas, je peux demander au constable planté devant la porte. Il ira pour nous.
    L’homme, depuis le corridor, avait entendu le témoignage de la fillette. Il semblait plus résolu que jamais à empêcher quiconque de l’embêter. Deux minutes plus tôt, un journaliste plus malappris que les autres avait risqué de faire connaissance avec sa matraque. Il se transformerait volontiers en garçon de course, maintenant, pour lui rendre service.
    — ... Cela ne passerait pas, dit Marie-Jeanne. Mais toi, tu dois avoir faim.

    — En réalité, cela ne passerait pas non plus. Ce vieux garçon m’a enlevé l’appétit à moi aussi.
    Elle lui fit un petit sourire timide, heureuse de partager son inimitié pour Francœur.
    — Si nous mettions trois de ces chaises l’une près de l’autre, tu pourrais t’étendre un peu.
    La fillette tâta le rembourrage de la chaise la plus proche de la sienne, la trouva plus moelleuse que son lit de l’hospice Saint-Joseph-de-la-Délivrance.
    — Je ne veux pas dormir, protesta-t-elle.
    Mathieu lui adressa un sourire entendu. Lui aussi, quand il savait

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