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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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l’orphelinat d’Youville, évoqua un été passé chez les grands-parents paternels de la victime. Son insistance à déclarer qu’elle n’en gardait pas de réels souvenirs obligea le plaideur à revenir à une période plus récente.
    — Vous avez dit que votre mère montait la nuit dans la chambre à coucher pour battre Aurore, n’est-ce pas ?
    — Oui.
    — Elle montait tous les soirs ?
    — Elle, montait, toutes les nuits.
    La précision fit sourire l’assistance. L’avocat essayait si souvent de l’amener à se tromper dans ses évocations, le voir pris à son propre jeu amusait la foule.
    — Depuis quand montait-elle ainsi toutes les nuits ?
    — Ah, je ne peux pas dire quand.
    — Depuis combien de mois ?
    — Je ne peux pas dire depuis combien de mois.
    Les membres du jury admettraient-ils cette imprécision ?
    — A quelle heure de la nuit ?
    — Je ne sais pas.
    — Elle l’a battue ?
    — Oui.
    — Toutes les nuits ?
    Devant la répétition, elle se permit cette fois aussi de rester coite, ses grands yeux fixés sur lui.
    — Quand elle montait en haut, étiez-vous éveillée ?
    — Je me réveillais quand Aurore criait.
    — Est-ce que les autres enfants se réveillaient aussi ?

    — Je ne sais pas.
    L’homme revenait, mine de rien, sur la promiscuité entre les enfants.
    — Gérard couchait en haut ?
    — Oui, dans une autre chambre.
    — Pas dans la même chambre ?
    — Non.
    — La chambre voisine ?
    — Oui.
    Puis, l’homme se soucia de savoir avec quoi Marie-Anne Houde cognait sa victime, si elle apportait une lampe avec elle. A la fin, il revint sur son sujet de prédilection.
    — N’est-il pas vrai, Marie-Jeanne, que votre mère est montée une fois dans la chambre pour surprendre Aurore couchée avec son petit frère ?
    — C’est arrivé une fois.
    —- Vous admettez donc qu’elle est montée une fois paire qu’Aurore était allée coucher avec son petit frère ?
    — Oui. Elle gelait par terre, elle est allée coucher là.
    Cette révélation donnait un tout autre sens à son témoignage.
    — Dans quel mois, ça ?
    — Ah, je ne sais pas quel mois.
    — Était-ce en été ou en hiver ?
    — C’était l’hiver, il faisait froid.
    Dans la salle, les gens devaient tendre l’oreille afin de tout entendre.
    — On vous a fait asseoir pour parler un peu plus fort, lui signifia le juge.
    Marie-Jeanne hocha la tête, docile, résolue à élever un peu la voix, dorénavant.
    — Vous avez dit que votre mère ne voulait pas donner le pot à Aurore. Si je me rappelle bien, c’était un mois avant sa mort ?
    — Oui.
    — Avant ça, elle le lui donnait ?
    — Oui.
    — N’est-il pas vrai que, depuis plus d’un an et demi, Aurore pissait comme ça, partout?
    La gamine le regarda d’un air mauvais, reprit les mots exacts de l’avocat pour répondre :
    — Elle pissait comme ça, partout, quand elle lui ôtait le pot. C’est tout.
    — Vous venez de dire qu’elle lui a ôté seulement un mois avant sa mort.
    — Elle l’avait fait avant aussi, de temps en temps.
    — Était-ce la nuit, ou le jour?
    — La nuit... La nuit et le jour.
    — Tout le temps ?
    Marie-Jeanne garda encore le silence, jugeant avoir répondu à cette question.
    — Est-ce qu’il y avait un pot dans votre chambre, en haut?
    — Non, il n’y en avait pas. Elle le cachait.
    — Y avait-il une chaudière ?
    — Il n’y en avait pas.
    — Il n’y avait ni chaudière ni pot ?
    Un nouveau silence récompensa cette insistance. Depuis la matinée, l’avocat avait affiné sa stratégie. Un long moment, il revint sur les blessures subies par Aurore durant l’été de 1919 et les soins prodigués à l’époque. Puis, il tenta de faire dire au témoin que la petite fille avait pu se gratter au sang, au point de souiller sa paillasse, le plancher et le mur de la chambre.
    Soudainement, il lança :
    — N’avez-vous pas brûlé Aurore, avec le tisonnier ?

    Le témoin se troubla, protesta en hésitant.
    — Je n’ai jamais brûlé Aurore.
    — Jamais?
    — Non.
    — N’est-il pas vrai qu’une fois, pendant que votre mère était allée à la grange...
    — Pendant que maman était allée à la grange ?
    Elle affectait de ne pas comprendre, le front plissé, les yeux écarquillés.
    — Attendez que je pose la question. Vous alimentiez le poêle et Aurore s’est chicanée avec vous. Vous avez voulu la brûler, votre sœur a saisi le tisonnier pour l’éloigner, alors elle s’est brûlé les mains.
    —

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