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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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C’est maman qui faisait ça. Elle approchait la tige en fer, puis si Aurore y touchait, elle disait : « Regarde, elle a voulu prendre le tisonnier. »
    — Votre mère lui offrait le tisonnier comme ça et Aurore le prenait ?
    — Aurore le poussait avec ses mains pour éviter d’être brûlée.
    L’avocat s’entêtait, résolu à se faire confirmer les confidences entendues de la bouche de l’accusée. Il en arrivait à lasser tout l’auditoire. Personne ne saisissait comment cette obstination servait encore les intérêts de sa cliente.
    — Quand votre mère brûlait Aurore, demanda-t-il, elle faisait chauffer le tisonnier rouge, rouge ?
    — Oui, elle le faisait chauffer rouge.
    — Rouge-blanc ou bien rien que rouge ?
    — Il était rouge.
    De tous les sévices infligés, celui-là paraissait le plus terrible aux spectateurs. De nouveaux « Oh ! » horrifiés soulignèrent cette précision.
    — Vous, vous regardiez par la fenêtre ?
    — Elle nous faisait regarder là.
    — Comment pouviez-vous voir que le tisonnier était rouge si vous regardiez par la fenêtre ?
    — Pendant qu’elle le faisait chauffer, je regardais.
    L’échange porta alors sur cette alternance, les moments où elle devait surveiller si quelqu’un venait, et ceux où elle voyait les supplices infligés à sa sœur. Puis, Francœur s’intéressa à l’intensité de cette torture.
    « Ce gars-là lui en veut, comprit Mathieu, il va perdre son procès à cause d’elle ! » L’homme entendait lui faire payer le prix de sa défaite par cet interrogatoire. C’était sans compter la résilience de l’enfant.
    — Elle l’a donc brûlée partout, conclut le bonhomme avec ironie après avoir abordé la troisième séance de torture.
    — Ah ! Je ne sais pas si elle l’a brûlée partout, partout, cria l’enfant. Mais elle en est morte. Elle l’avait bien assez maltraitée, vous ne croyez pas ?
    La répartie suscita un rire nerveux de l’assistance.
    Francœur ne se laissa pas démonter pour autant. Il changea bientôt abruptement de sujet.
    — Votre père était-il là quand votre mère faisait ça ?
    — Non, il travaillait au bois, il n’y était jamais.
    — Vous ne lui disiez pas ?
    — Non.
    De la colère devant son acharnement précédent, Marie-Jeanne passa à la honte. Son interlocuteur la ramenait aux conséquences désastreuses de son silence.
    — Pourquoi ?
    — Parce qu’on avait peur de se faire battre.

    Avait-elle vraiment toujours gardé le silence ? Taire tant de misère paraissait impossible. D’un autre côté, à la demande de sa femme, l’homme infligeait des châtiments terribles à ses propres enfants. Cela ne favorisait pas les confidences.
    — Aurore ne l’a jamais révélé non plus ?
    — Elle n’a pas dit à papa que maman la maltraitait.
    L’impureté demeurait le sujet de prédilection de l’avocat.
    Il ne pouvait s’empêcher d’y revenir encore.
    — Votre père et votre mère ne vous ont jamais fait des sermons au sujet de la façon dont vous vous conduisiez avec Aurore et avec le petit Gérard ?
    — Je ne me rappelle pas de ça.
    — Vous êtes une trop bonne petite fille pour ça ?
    Le sous-entendu l’amena à baisser la tête. Pendant de longues minutes, l’interrogatoire porta sur quelques pièces à conviction : la sangle en cuir servant de bâillon, les harts, les éclats de bois.
    — La journée de la mort d’Aurore, vous dites que votre mère l’a frappée avec ce manche de hache ?
    — Pas un manche de hache...
    — Un manche de fourche ?
    — Oui.
    Cette arme, expliqua la petite fille, se trouvait dans un hangar, un appentis accolé à la maison où s’entassait la réserve de bois de chauffage.
    — Alors, le matin de la mort d’Aurore, vous dites qu’elle est montée pour la faire descendre, qu’elle l’a culbutée en bas de l’escalier ?
    — Je n’ai pas dit qu’elle l’a culbutée en bas de l’escalier, elle a menacé de le faire. Quand Aurore a eu fini de descendre, en arrivant contre le poêle, elle est tombée à terre.

    Maman lui donne trois bons coups sur le dos. Puis, elle remet le manche de fourche dans le hangar.
    Les dernières phrases, débitées au présent, donnaient une authenticité supplémentaire au récit.
    — Est-ce qu’elle lui a donné à déjeuner, ce matin-là?
    — Aurore n’a pas déjeuné, elle ne voulait pas. Elle n’avait pas la moitié de sa connaissance.
    L’allusion aux derniers coups reçus par la victime, quelques

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