Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
comprendre.
    — C’est très bien. Le greffier va te présenter les Saintes Ecritures. Tu mets la main dessus, et tu réponds «Je le jure». Après cela, tu devras dire toute la vérité.
    Georges hocha gravement la tête, puis il fit comme on le lui avait dit. Fitzpatrick s’approcha ensuite avec son meilleur sourire.
    — Où demeurais-tu l’hiver dernier ?
    — Avec mes parents.
    — Tu es le petit frère d’Aurore Gagnon ?
    — Oui.
    La voix parut bien faible tout d’un coup, seule sa tête demeurait visible.
    — Où Aurore couchait-elle ?
    — Dans le grenier.
    — Elle couchait toute seule ?
    — Oui.
    Georges prenait lentement de l’assurance. Il avait craint des questions difficiles, comme celles de l’institutrice, à l’école.

    — Et toi, où couchais-tu ?
    — Avec mon frère, je couchais de l’autre côté.
    Malgré son caractère succinct, la réponse satisferait les jurés. Dans tous les foyers, les enfants se partageaient de part et d’autre d’une cloison, selon leur sexe.
    — Et Marie-Jeanne, où couchait-elle ?
    — Dans la même pièce qu’Aurore, mais pas dans le même lit.
    La précision, donnée spontanément, évoquait la leçon bien apprise. Mathieu regretta de le voir afficher une si bonne mémoire.
    — Te souviens-tu quand Aurore est tombée malade ?
    — Oui.
    — Qu’est-ce qu’elle avait ?
    — Maman ne faisait rien que la fesser, la battre et la brûler avec un tisonnier.
    Rapide, la réponse paraissait convenue. Le substitut du procureur se troubla devant tant de bonne volonté.
    — Quelqu’un t’a-t-il demandé de dire cela ? demanda-t-il prudemment.
    — Non, personne.
    A strictement parler, Georges disait vrai. Mathieu aurait tout de même préféré qu’il ne le cherche pas constamment des yeux.
    — As-tu déjà vu ta mère attacher la bouche d’Aurore avec cette strappe en cuir ?
    Fitzpatrick doutait que les mots courroie ou sangle figurent au vocabulaire de son interlocuteur.
    — Oui, quand elle lui attachait les pieds à la table.
    — As-tu vu ta mère battre Aurore avec le tisonnier ?
    — Oui.
    — Combien de fois ?

    — Deux fois.
    Les confidences de Marie-Jeanne se trouvaient corroborées avec une candeur étonnante, sans la moindre hésitation.
    — Étais-tu là le jour où Aurore est morte ?
    — J’étais en haut, je l’ai vue quand elle commençait à déparler. Elle était sur une paillasse avec pas grand paille dedans. Maman lui a donné un coup de pied dans le ventre pour lui faire descendre l’escalier plus vite. J’ai vu maman tramer Aurore par terre.
    Ce garçon paraissait déterminé à devenir le témoin idéal de tout avocat de la poursuite. Tant de bonne volonté troubla Fitzpatrick.
    — Qu’est-ce qu’Aurore mangeait ?
    — Elle ne mangeait pas.
    — Buvait-elle ?
    — Elle ne buvait pas. Maman la guettait pour qu’elle ne boive pas.
    Le substitut du procureur général continua tout de même avec le canevas d’interrogatoire établi à l’avance, avec l’aide de son stagiaire.
    — La journée de sa mort, ta mère lui a-t-elle donné quelque chose à boire ?
    — Oui, dans une tasse.
    — Y avait-il du Lessi dans la maison ?
    — Oui, maman lui en a fait boire un peu. Papa n’y était pas. Le Lessi était dans une cuvette pour laver le plancher.
    Maman lui a dit : «Tu vois comme c’est bon. C’est sucré. »
    Cette fois, Fitzpatrick ne put s’empêcher de tourner son regard en direction de son adversaire, un peu mal à l’aise.
    — Allez Georges ! grommela Francœur. Continue ta belle histoire !

    Le juge Louis-Philippe Pelletier le regarda un peu de travers, mais sans le rappeler à l’ordre.
    — Je n’ai plus de question, Votre Honneur, conclut l’avocat de la Couronne.
    Alors qu’il se rasseyait, il remarqua dans un souffle :
    — Vous êtes un trop bon professeur, ou votre élève à trop bonne mémoire. Avec ses hésitations, ses oublis et ses pleurs, sa sœur paraissait autrement plus crédible.
    — Je vous assure, répondit Mathieu sur le même ton, je ne lui ai pas fait mémoriser cela. D’un autre côté, Marie Jeanne...
    La fillette lui avait confié avoir informé ses frères de la teneur de son témoignage. Peut-être poussait-elle le zèle jusqu’à leur faire répéter des réponses.
    Goguenard, l’avocat de la défense se planta devant l’enfant.
    — Tu dois bien savoir autre chose, remarqua-t-il.
    — Oui. Maman mettait des cochonneries dans la place et ensuite elle accusait

Weitere Kostenlose Bücher