Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
Mademoiselle
    Saint-Onge,
    commença
    Fitzpatrick,
    vous êtes institutrice à Sainte-Philomène-de-Fortierville, je crois ?
    — Oui, à l’école du sixième rang.
    — Sans vous demander de révéler votre âge, pouvez-vous nous dire si vous effectuez ce travail depuis longtemps ?
    La précaution fit sourire : en prêtant serment, le témoin avait indiqué ses vingt-huit ans sans hésiter.
    — ... Cela fera dix ans l’été prochain.
    Le préambule de l’avocat la fit tout de même rougir un peu de ce célibat tardif. Mariée, les commissaires l’auraient déjà contrainte à se retirer.
    — Vous jouissez donc d’une grande expérience, souligna le procureur.
    Elle le remercia d’un sourire, même si sa longévité exceptionnelle témoignait surtout de la rareté des bons partis à Fortierville. Son interlocuteur poursuivit:
    — Votre école se trouve à bonne distance du domicile des Gagnon, je pense.
    — Oui. Mais sauf au plus fort de l’hiver, en passant à travers champs, cela ne représente pas un obstacle insurmontable.
    Les
    élèves
    du
    septième
    rang
    fréquentent
    l’école
    en moyenne un jour sur deux.
    Pour les habitants des villes, familiers avec l’école de leur quartier, cette jeune femme paraissait prendre à la légère un trajet très long.
    — Pourtant, les enfants de l’accusée n’ont pas fréquenté la classe de façon bien régulière. Pouvez-vous nous parler d'Aurore ?
    — Au cours des deux années écoulées depuis sa sortie de l’orphelinat d’Youville, je l’ai vue un peu moins de trente jours.
    — En deux ans ?
    Le substitut du procureur général feignit la surprise.
    — Oui. J’ai consulté le livre des présences. J’en ai compté vingt-huit en tout.
    Même en fixant leurs attentes au plus bas, les membres du jury devaient convenir que les parents Gagnon négligeaient leur devoir en ce domaine.
    — Tout de même, êtes-vous en mesure de nous parler d’Aurore Gagnon ?
    — Oui. C’était une enfant tranquille, sage et obéissante.
    La jeune femme demeurait fidèle à la description donnée à Mathieu, des semaines plus tôt. Cela nuançait considérablement le portrait

dressé
    par
    l’avocat
    de
    la
    défense
    :
    la
    charmante institutrice n’évoquait pas une fillette susceptible de semer ses excréments dans les habits de son père.

    — Etait-elle intelligente ? se renseigna encore le substitut du procureur.
    — Oui, très intelligente.
    — Avez-vous jamais remarqué quelque chose d’anormal à son sujet?
    — Non, jamais.
    Des réponses nettes, précises, sans aucune hésitation, faisaient toujours bonne impression.
    — Bref, conclut l’avocat, à vos yeux c’était un enfant semblable aux autres.
    — Peut-être un peu plus intelligente.
    L’homme regarda le juge avant de dire :
    — Je n’ai pas d’autres questions, Votre Honneur.
    — Maître Francœur ?
    — Je n’ai pas de question, Votre Honneur.
    Le vieux garçon ne souhaitait pas s’escrimer avec une jolie femme au sujet des qualités ou des défauts d’une gamine torturée à mort par ses parents. Déjà, la journée lui avait donné une réputation de rustre.
    La jeune institutrice échangea encore un salut de la tête avec Mathieu. Celui-ci se sentait vaguement mal à l’aise.
    Pendant leur rencontre au magasin général de Sainte-Philomène, il lui avait laissé entendre qu’il aimerait partager un moment avec elle, lors de son passage au tribunal. Ce ne serait pas le cas.
    Louis-Philippe Pelletier contempla l’horloge accrochée au mur du tribunal, puis il déclara :
    — A cette heure, nous avons le temps d’entendre encore un témoin. Maître Fitzpatrick?
    —J’invite donc Georges Gagnon, le fils de l’accusée, issu d’un premier mariage, à venir à la barre.
    Le substitut du procureur général tenait à ce que les jurés connaissent le lien entre le garçon et Marie-Anne Houde.
    Véritable rejeton de l’accusée, personne ne pourrait soupçonner celui-ci d’en vouloir à un beau-parent.
    — Mon garçon, commença le juge, peux-tu demeurer debout pour témoigner ?
    — Oui. Je ne suis pas fatigué.
    La remarque amena un sourire sur les lèvres des spectateurs.
    A neuf ans, le gamin tentait de paraître plus grand, derrière la barre. Le magistrat demanda encore :
    — Tu sais ce qu’est un serment ?
    — Prendre Dieu à témoin de ce que l’on va dire ?
    Les yeux incertains, il répétait visiblement une explication apprise par cœur, sans bien la

Weitere Kostenlose Bücher