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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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qui l’avait poussée ?
    — Oui, elle s’en allait chercher la bombe d’eau bouillante pour laver la vaisselle. Marie-Jeanne l’a poussée, parce qu’elle ne marchait pas assez vite.
    Combien la culpabilité devait peser sur l’âme de la jeune fille! — Elles se chicanaient souvent, Marie-Jeanne et elle ?
    — Oui.
    — Après la chute d’Aurore...
    — Maman lui a donné une volée par-dessus.
    — Ta mère l’a battue, ce jour-là ?
    L’enfant réservait tout de même sa part de surprises à l’avocat de la défense.
    — Quand elle est revenue, elle a pris une hart derrière l’armoire. Elle a dit: «Je vais t’en donner encore par-dessus, ça va renfler. »
    — Ton père était-il là, lui ?
    — Non, il était allé dételer le cheval.
    La précision rassura Francœur. Pendant de longues minutes, il s’attarda sur les différents actes de violence. Pour ne laisser aucun doute dans l’esprit des jurés, il demanda de nouveau :
    — As-tu jamais parlé à ton père des fausses accusations de ta mère ?
    — Non. Elle nous le défendait.
    — C’est pour ça qu’aucun enfant ne le lui a dit?
    — Oui.
    L’avocat se tourna vers le juge pour déclarer, visiblement soulagé d’arriver au terme de l’exercice :
    — Votre Honneur, j’en ai terminé avec ce témoin.
    Gérard demeura debout derrière la barre des témoins, surpris de cette fin abrupte.
    — Picard, ordonna Fitzpatrick, allez le reconduire dans la petite salle. Ces enfants ont terminé leur voyage au bout de l’horreur.
    — Je crois qu’ils le commencent à peine, murmura le stagiaire en se levant.
    Le substitut du procureur le regarda remonter l’allée jusqu’à la porte de la salle d’audience, une main posée sur l’épaule du garçon.

    *****
    Mathieu détestait les adieux déchirants, surtout quand des enfants répandaient leurs larmes. Au terme de la journée d’audience, des oncles vinrent chercher les deux garçons Gagnon. Si la preuve, lors du procès de Marie-Anne Houde, avait mis en évidence la réticence de la marâtre à donner des baisers et des câlins, de son côté, l’adolescente ne se montrait guère avare en ce domaine. Avant de se séparer d’eux, Marie-Jeanne les accabla longtemps de son affection.
    A la fin, le jeune homme marcha avec elle dans les couloirs, maintenant désertés, du palais de justice. Elle reniflait tout son saoul, il lui tendit son mouchoir.
    — Je ne pourrai pas vous le remettre.
    — Alors tu le garderas. Cela te fera un souvenir.
    La remarque l’attrista encore plus. Elle commença par essuyer ses yeux, puis souffla bruyamment. Après un usage si intensif, il souhaita que l’envie ne lui prenne pas de le lui rendre lors de leur arrivée à Lévis.
    Lorsqu’ils atteignirent le funiculaire, Marie-Jeanne avait suffisamment retrouvé sa contenance pour remarquer :
    — Je me demande si je reverrai mes frères un jour. Je vais passer les prochaines années à Lévis, le temps de faire au moins le cours primaire supérieur.
    Mère Saint-Emilien lui faisait finalement une place au sein de son institution. Sans doute, après les révélations fracassantes du premier procès, avait-elle trouvé sans mal une bienfaitrice pour payer la scolarité de sa protégée.
    — Mais à l’hospice Saint-Joseph, les cours font sans doute relâche pendant l’été.
    — Aucun de mes parents ne me recevra...
    — Il y a les oncles, les tantes, les grands-parents. Tu es liée à au moins la moitié des habitants de Fortierville.
    — Vous croyez qu’ils voudront m’inviter pendant les vacances ?
    Quand le funiculaire amorça la descente, effrayée, elle s’approcha un peu de lui.

    — A ta place, je demanderais à la directrice de l’hospice de t’aider. Si tu lui donnes la liste des personnes chez qui tu aimerais aller, je pense qu’elle obtiendra une invitation.
    Tu sais, il est difficile de refuser quelque chose à cette religieuse.
    Sa compagne sourit. Elle aussi trouvait mère Saint-Emilien convaincante. Ils traversèrent ensemble la place du marché Champlain. A cette heure, les cultivateurs avaient déjà regagné leur domicile.
    En montant sur le traversier qui allait jusqu’à Lévis, la jeune fille se renfrogna. Elle chercha un endroit un peu éloigné des autres passagers, s’accrocha au bastingage.
    — Je ne veux pas qu’ils la tuent.
    Mathieu ne comprit pas tout de suite.
    — S’ils font cela, ce sera ma faute, plaida-t-elle en levant vers lui ses grands yeux

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