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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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dispositions.
    — Chaque fois que ton père a battu Aurore comme ça, pensait-il qu’elle le méritait ?
    — Oui, je pense que oui.
    — Et ta mère l’informait du comportement d’Aurore ?
    — Oui.
    Habilement guidé, Gérard s’engagea dans la description des calomnies de Marie-Anne Houde envers sa belle-fille, dont les vols, la malpropreté, l’incontinence.
    A ce sujet, Francœur voulut se faire très précis.
    — Ta mère disait-elle à ton père qu’elle faisait par terre parce qu’elle ne lui donnait pas le pot ?
    — Non. Elle disait: «Aujourd’hui, elle a fait par terre. »
    — As-tu eu connaissance que ta mère ait mis des cochonneries dans les habits de ton père ?
    — Rien qu’une fois.
    L’avocat sembla hésiter, puis il se résolut à noircir la condamnée pour sauver l’époux.

    — Qu’a-t-elle fait, cette fois ?
    — Elle prenait des saloperies pour les mettre dans le chapeau de papa.
    L’enfant paraissait troublé à ce souvenir. Francœur voulut un compte rendu explicite.
    — Qu’est-ce que c’était, ces saloperies-là ?
    — De la pisse et de la marde.
    Un bref ricanement vint de l’assistance. L’avocat de la défense fit un tour sur lui-même, rugissant:
    — Ceux que cela amuse peuvent en manger !
    Le maillet du juge claqua sèchement, l’homme marmonna une excuse, puis reprit.
    — Ensuite ?
    — Elle vidait ça dans les habits de papa.
    — Quels vêtements ?
    — Ses habits du dimanche, son capot de printemps.
    Cette incarnation de la perversion féminine devenait le miroir déformant
    de
    la
    sainte
    mère
    canadienne-française.
    La haine envers la marâtre s’accroissait dans tout le Québec.
    — Que s’est-il passé ensuite ?
    — Elle a dit à papa : «Va voir qu’est-ce que ta fille a fait en haut, là. »
    — Ton père est monté ?
    —
    Non. Il a sacré. Il a pris le fouet. Il a battu Aurore.
    Le rythme de la confidence, saccadé, ajoutait à la tension dramatique.
    — Avant, ta mère lui a sans doute mentionné les...
    saloperies.
    — Non, elle a demandé à Aurore d’aller tout chercher.
    — Et Aurore a montré... ça à ton père ?
    — Oui. Après ça, il l’a fouettée.

    La victime assumait docilement son rôle de victime dans le scénario infernal voué à sa destruction.
    — A-t-elle jamais dit à ton père ce que ta mère faisait?
    — Elle ne voulait pas qu’elle le dise.
    — Quand ton père a battu Aurore, c’était toujours sur des rapports de ce genre présentés par ta mère ?
    — Oui.
    Dernier témoin de la Couronne, Francœur faisait de Gérard un allié sûr de la défense.
    — Et tout ce que ta mère disait, au sujet d’Aurore, c’était faux?
    — Oui.
    — C’était pour la faire battre ?
    — Oui.
    Maintenant, sans vergogne, il dictait les réponses.
    Fitzpatrick semblait avoir renoncé. Il demeurait assis, silencieux, plutôt que de multiplier les «Objection, Votre Honneur».
    — Ton père ne l’aurait pas battue, si ta mère n’avait pas dit ces choses-là ?
    — Non, je ne crois pas.
    — Il était bon pour toi ?
    — Oui.
    Le juge Déry semblait ennuyé par le curieux retournement de situation.
    Après
    avoir
    interrogé
    les
    membres
    de
    l’équipe de l’accusation du regard, il décida d’intervenir.
    — Quand votre mère rapportait des faits comme l’histoire des habits, par exemple, est-ce que votre père questionnait Aurore ?
    Est-ce
    qu’il
    demandait
    si
    c’était
    vrai,
    pourquoi elle avait fait ça, avant de la battre ?
    — Non.
    L’homme préférait le maniement du manche de hache ou du fouet à la recherche de la vérité. L’avocat de la défense entendit corriger tout de suite la mauvaise impression.
    — Ta mère ne faisait-elle pas avouer ce genre de faute à Aurore, devant ton père ?
    — Oui.
    — Quand ta mère voulait faire battre Aurore, elle disait
    « C’est vrai, c’est toi qui as fait ça ? »
    — Oui. Et quand elle disait non, maman la frappait sur la tête.
    La conversation dévia ensuite sur les blessures de la petite victime, pour faire admettre au garçon que Télesphore demandait qu’on lui mette de l’onguent.
    — Un soir, pendant que ton père et ta mère étaient allés veiller le corps de ton oncle Anthime, Marie-Jeanne...
    Aurore, dis-je, est tombée sur le panneau du poêle?
    L’heureux lapsus eut l’effet escompté. Gérard retrouva sans mal le fil du récit.
    — Sur l’œil, du côté droit. Marie-Jeanne l’avait poussée.
    — C’est Marie-Jeanne

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