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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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bruns.
    — Je ne crois pas que cela va arriver.
    — Le juge l’a condamnée à être pendue.
    Le stagiaire se troubla. Jusque-là, il avait soigneusement évité de penser à cette éventualité. L’obtention de la condamnation représentait la fin de cet épisode dans son esprit. Le juge avait montré un meilleur discernement.
    C’était en pleurant qu’il avait coiffé son tricorne.
    — Elle peut encore faire appel, expliqua-t-il pour la rassurer. Surtout, le gouvernement peut commuer sa peine.
    Je veux dire la transformer en emprisonnement.
    — Tu crois que cela va arriver ?
    — C’est possible. Je ne peux rien promettre, cela se discutera entre des gens très importants. Néanmoins, je ne pense pas que cette histoire se terminera sur la potence.
    L’adolescente posa sur lui un regard soupçonneux, incertaine de pouvoir lui faire confiance.

    — Des fois, je regrette d’avoir raconté tout cela.
    Des larmes coulaient sur ses joues. Elle dut ressortir le mouchoir de la poche de sa veste.
    — Moi, je suis très heureux que tu aies eu ce courage, très fier aussi. Car maintenant elle ne pourra pas recommencer.
    Tu imagines, si elle avait décidé de te faire la même chose ?
    — Elle m’a toujours appréciée.
    — Elle t’a battue plus souvent que tu l’as dit. Ton père aussi.
    L’homme marqua une pause avant d’ajouter:
    — Je ne me trompe pas, n’est-ce pas? Tu peux me le dire, le procès est terminé, au moins en ce qui te concerne.
    Après une petite hésitation, elle hocha la tête, puis précisa :
    — Tout de même, dans mon cas, ce n’était pas si pénible.
    — Elle te faisait participer. Elle souhaitait que tu deviennes comme elle. La pire chose qu’elle t’a faite, c’est cela. L’affirmation troubla fortement la fillette.
    — Maintenant, continua son interlocuteur, nous sommes sûrs que demain, ou dans un an, elle ne prendra pas la petite Pauline en grippe. Tu ne crois pas ?
    De nouveau, l’émotion la submergea. Dans son esprit, le désir de protéger le poupon pèserait plus lourd que le regret d’avoir participé à la condamnation de ses parents. Mathieu eut envie de lui demander: «Aurore n’était pas la première, n’est-ce pas ? » Le décès d’un petit garçon lui trottait dans la tête, lors de ses insomnies les plus tenaces, mais ne voulant pas la troubler davantage, il préféra s’abstenir.
    — Pour papa, ce sera la même chose ? Je veux dire, ils ne le pendront pas ?

    Dans l’hypothèse d’un verdict de meurtre, la sentence risquait fort d’être exécutée dans le cas d’un homme. Autant les autorités se montraient économes du châtiment ultime pour les représentantes du sexe faible, autant ceux du sexe fort montaient sur l’échafaud avec une horrible régularité.
    —Je pense que le jury penchera pour l’homicide involontaire.
    Sa compagne une fois de plus leva vers lui des yeux interrogateurs.
    — Cela veut dire qu’ils reconnaîtront qu’il n’a pas vraiment voulu la tuer. Dans ce cas, les gens ne sont pas pendus.
    Son regard exprima une reconnaissance éperdue.
    — ... Tu sais, malgré tout, je les aime tous les deux.
    — Je comprends. Ce sont tes parents.
    — Ceux que Dieu m’a donné.
    Le stagiaire devina que mère Saint-Emilien abordait cette question délicate avec sa protégée. Elle devait le faire avec tact, cela le rassura. Le traversier accosta au quai de Lévis. Alors qu’ils prenaient pied tous les deux, il demanda :
    — Préfères-tu prendre un taxi ?
    — C’est cher.
    — Je le ferai payer par mon patron.
    — Celui avec qui vous étiez assis, au procès ? Il paraît gentil.
    La promenade lui faisait envie, aussi Mathieu la conduisit vers une voiture. Ils roulèrent en silence jusqu’à l’hospice Saint-Joseph-de-la-Délivrance.
    — C’est ma maison, maintenant, commenta Marie-Jeanne en arrivant sur le terrain de l’institution.
    Si la voix trahissait un certain ennui, elle se révélait sereine, avec une pointe de résignation. Alors qu’ils approchaient de l’entrée principale, la directrice vint sur le perron.

    — Je t’attendais, Marie-Jeanne, tu te sens bien?
    — Oui, ma mère. Je suis contente que tout soit terminé.
    La gamine se retourna vers son protecteur. Celui-ci comprit que les adieux se dérouleraient tout de suite, devant témoin.
    — Je vous remercie, monsieur Mathieu. Vous avez été très gentil avec moi.
    Il prit le temps de mettre un genou sur le sol avant de répondre :
    — Je

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