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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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ne pas la battre devant des témoins.
    — Personne n’a jamais rien vu?
    Le ton du jeune homme gardait une bonne dose de scepticisme.
    — Une cousine nous en a parlé, commenta un habitant depuis l’embrasure de la porte.
    Il s’agissait d’Adjutor Gagnon, se souvint Mathieu.
    Oréus Mailhot le lui avait pointé du doigt, en se rendant au charnier derrière l’église.
    — Comment s’appelle-t-elle ?
    Sa question s’adressait cette fois à Marie-Jeanne, debout près de ce voisin. La fillette s’était attardée dans la chambre où dormaient les enfants, après avoir mis la parka à sa place.
    — Marguerite Lebœuf, répondit-elle.
    — Elle a passé quelques jours chez Télesphore, précisa Adjutor. A la fin, elle est partie, effrayée par ce qu’elle voyait. Cela a fait jaser un temps, puis la petite fille est allée à l’hôpital, pour son pied.
    L’homme était apparenté à la fois à Télesphore et à la petite Lebœuf. Il connaissait sans doute assez bien les dessous de l’affaire. Peut-être à cause de cela, il choisit de s’esquiver.
    — Exilda, je vais partir tout de suite. Je te remercie de ton invitation.
    Hôtesse accomplie, la maîtresse de maison le reconduisit à la porte, l’aida à mettre son manteau.
    — Cette Marguerite vient de la paroisse ? demanda Mathieu pendant son absence.
    — Non. De Saint-Jean-Deschaillons, répondit quelqu’un.
    — Encore un lieu très lointain ?
    L’ironie échappa à tout le monde.
    — Non, c’est juste en bas après Parisville, le long du fleuve.
    Bref, la marâtre originaire de la paroisse contiguë venait de très loin, et la cousine de très près ! Cette conception de la géographie laissait le visiteur un peu perplexe. Le jeune homme se promit de parler des méfiances et des querelles de clocher à ses employeurs.
    — Pour la battre ainsi, insista Mathieu, les parents devaient avoir une raison. Ils ne disaient rien ? Ce sont vos voisins, après tout.
    Le ton toujours accusateur amena chacun à se renfrogner un peu. Finalement, Marie-Jeanne rompit un silence devenu trop lourd.
    — Elle faisait partout, à terre, dans le lit, même dans les vêtements de papa.
    Elle s’interrompit, puis ajouta enfin dans un souffle :
    — Elle a même chié dans le chapeau de papa.
    La précision, avec ce choix de mots, fit plisser tous les nez.

    Pareil affront à la dignité du chef de famille méritait une sérieuse correction, chacun en convenait. De son côté, Mathieu se souvint de la maladie mentale de la mère d’Aurore.
    Le petit garçon, Georges-Etienne, en était affecté. Peut-être Aurore souffrait-elle de la même tare. Cette éventualité aurait dû attirer des soins, pas des coups.
    En croyant peut-être défendre la victime, Exilda Lemay agit plutôt comme un témoin à charge.
    — Le mois dernier, je suis allée chez eux. Il y avait une poche de sel à la porte de la chambre de Marie-Anne et Télesphore. Et sur la poche trônait un rondin, un morceau d’érable avec un nœud à un bout.
    Avec ses doigts, elle indiquait un diamètre de trois pouces.
    — Je lui ai demandé ce qu’elle faisait avec ça. Elle a répondu: «J’ai dû coucher Marie-Jeanne en bas. L’autre essaie sans cesse de venir la rejoindre dans son lit. Je l’ai remontée avec cela rien qu’une fois. »
    Mathieu songea que la belle-mère isolait Aurore des autres enfants, une autre forme de cruauté raffinée.
    — Elle a ajouté ensuite : « Cette fois-là, je te jure que la petite salope n’est pas redescendue», précisa son hôtesse.
    Le jeune homme comprit la vraie nature du sous-entendu. Non seulement la pécheresse semait-elle ses excréments dans les endroits les plus incongrus, mais elle tentait d’entraîner son aînée dans l’impureté.
    — Je veux m’en aller, demanda une petite voix.
    Marie-Jeanne fixait le plancher.
    — Mémère m’a laissée venir en me demandant de rentrer tôt.
    — ... Moi aussi je dois rentrer, dit Mathieu en se levant, si je ne veux pas réveiller mes hôtes, tout à l’heure. Je vais vous déposer chez vous.

    Elle ne protesta pas, l’idée de faire à pied deux ou trois arpents à cette heure ne devait pas lui sourire. La fillette alla récupérer les deux manteaux dans la chambre alors que le notable venu de Québec entreprenait de serrer toutes les mains.
    — Vous n’avez pas peur des loups, ricana Ovide. Courir la campagne en pleine nuit...
    — À Fortierville, les belles-mères me paraissent plus

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