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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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bien mal à Québec. La boisson possédait peut-être des vertus inattendues. Mathieu exprima bientôt le désir de se rendre au... enfin, au petit coin.
    — Dehors, près de l’étable.
    Hôtesse parfaite, la dame ne pousserait pas la politesse jusqu’à lui proposer d’utiliser un pot en porcelaine, dont elle devrait ensuite se débarrasser du contenu.

    — Vous n’avez pas cela en ville, des bécosses, s’esclaffa un voisin hilare.
    — Non, et à l’armée, on avait des toilettes en marbre, ricana Mathieu. Dans les tranchées, sous la pluie des bombes, on y traînait des heures avec un magazine.
    L’autre apprécia la plaisanterie. Plus serviable, Marie-Jeanne lui apporta son paletot comme il s’apprêtait à passer la porte. S’il lui fallait se geler le bas, autant garder le haut bien au chaud.
    — Prenez un fanal, pour ne pas vous enfarger dehors, lui conseilla Arcadius Lemay.
    — Merci, je reviens.
    La précision visait surtout à empêcher Ovide de récupérer son fauteuil. Le citadin fit donc connaissance avec la back house, petite cabane de la taille d’un placard étroit, tout juste assez grande et assez haute pour permettre à un homme de se tenir debout, puis assis. Malgré les quelques utilisateurs de la soirée, le froid et le vent qui traversaient les interstices entre les planches des murs conservaient les odeurs à un niveau tolérable. Le jeune homme abaissa son fanal à la hauteur du trou percé dans la planche, s’assura de l’absence de tout souvenir laissé par ses prédécesseurs.
    Rassuré, il accrocha sa lanterne au clou prévu à cette fin, entreprit de baisser son pantalon, puis défit les boutons de sa combinaison avant de se geler les fesses sur le bois glacial, amusé par la situation. Il trouva à ses côtés une liasse de journaux, ces gens ne gaspillant pas leur argent pour du papier hygiénique. Avec un sourire, il constata qu’il s’agissait seulement de vieux numéros de L’Action catholique.
    — Voilà le meilleur usage pour cette mauvaise feuille.
    Finalement, ces Lemay lui parurent bien sympathiques.

    *****

    De retour dans la maison, Marie-Jeanne s’occupa de nouveau de son manteau. Reprenant sa place, il profita de l’absence de la fillette.
    — Cette Marie-Anne Houde, c’est quel genre de personne ?
    demanda-t-il.
    — Nous, on ne la connaît pas très bien, commença Exilda. Après tout, c’est une étrangère.
    Devant les yeux incrédules de leur invité, la bru précisa :
    — Elle vient de Sainte-Sophie-de-Lévrard.
    L’amateur de blagues un peu scabreuses posa son index sur sa tempe.
    — Les gens sont un peu bizarres, là-bas, précisa-t-il.
    — Et à quelle distance se trouve Sainte-Sophie ?
    — Deux ou trois milles dans cette direction.
    L’homme montrait vaguement vers l’ouest.
    — C’est dans le comté de Nicolet. Nous sommes dans Lotbinière. Ce n’est pas le même diocèse non plus.
    Avec une conception semblable du « eux» et du «nous », et une forte propension à l’endogamie, la proportion des Lemay, Gagnon ou Neault dans la population de l’endroit risquait peu de diminuer un jour.
    — Personne, dans la paroisse, ne savait combien ce couple maltraitait Aurore ?
    La question jeta la consternation dans la petite assemblée.
    — C’était elle surtout, souligna son dernier interlocuteur.
    — Elle ou lui, cela ne change rien au résultat: Aurore est morte, insista le visiteur. Personne n’a rien vu ?
    — Ils ne faisaient pas cela devant les gens, plaida le même homme.
    — Mais vous pouviez bien voir les marques des coups ?
    Son insistance finirait par indisposer toutes ces personnes.

    Lison, la bru des Lemay, prit sur elle de présenter la défense des paroissiens.
    — On ne la voyait pas souvent cette petite, vous savez.
    Depuis novembre dernier, on ne l’a même pas aperçue à la messe.
    — Selon moi, elle n’avait pas de chaussures, précisa une autre femme.
    Même en ville, des enfants se promenaient pieds nus trois saisons sur quatre. Pas à la Haute-Ville, bien sûr, mais dans Saint-Sauveur ou Jacques-Cartier. L’hiver, ils se terraient, tout simplement. Mathieu se souvenait toutefois des précisions d’Oréus Mailhot: Gagnon comptait parmi les personnes les plus prospères de cette paroisse.
    — À l’école ?
    — Elles n’y allaient pas, conclut la même interlocutrice.
    Les parents se souciaient de cacher cette enfant, pour ne pas attirer l’attention. Le couple devait aussi prendre garde de

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