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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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ramassé.
    L’été
    suivant,
    il
    alimenterait
    l’une
    des
    usines
    à
    papier de Trois-Rivières.
    — Nous pouvons même nous faire un fauteuil.
    Elle commença à déplacer des bûches pour les débarrasser de la neige et dégager une surface à peu près plane.
    Mathieu l’aida de son mieux, puis ils prirent place tous les deux l’un à côté de l’autre. La fillette présenta son visage un peu pâle au soleil, les yeux fermés.
    — Si je ne suis pas maltraitée, chuchota-t-elle, je ne sors pas souvent dehors. J’aide ma grand-mère.
    — Es-tu bien nourrie ?
    — C’est le carême.
    Les cultivateurs respectaient d’autant mieux les exigences de ce temps de privations qu’il leur fallait faire durer les provisions amassées l’automne précédent jusqu’en juin.
    — Tu m’as parlé des volées que ton père donnait à Aurore. Mais toi, tu n’en as jamais reçues ?
    — ... Parfois.
    Mathieu avait pu l’examiner à loisir à plus d’une reprise.
    La tête, le visage et les mains ne portaient aucune marque suspecte, mais le reste du corps pouvait en être couvert.
    — Parfois souvent ? Parfois rarement ?
    — Parfois rarement, répondit-elle dans un demi-sourire, les yeux toujours fermés pour s’offrir au soleil, heureuse de sa sollicitude.
    — Si tu compares à Aurore, combien de fois as-tu été battue?
    Cette fois, elle tourna son visage pour le voir.
    — Elle, c’était aux deux jours. Moi peut-être tous les deux mois.

    — Avec le fouet, le manche de hache ?
    Elle secoua la tête de droite à gauche.
    — Une fois, maman m’a rapportée.
    Marie-Jeanne voulait dire dénoncée.
    — Papa a pris son manche de hache, mais je me suis sauvée. Il n’a pas réussi à m’attraper.
    — Mais tôt ou tard, tu as dû revenir à la maison.
    — Je me suis cachée dans les champs jusque tard le soir.
    Tous les voisins se trouvaient à ma recherche quand je suis rentrée. Je leur ai dit que j’avais vu des bêtes dans la grange, laides au point de me terroriser.
    Ces bêtes se promenaient sur deux jambes. Toutefois, les voisins affectaient de croire ces histoires.
    — Tes parents ne t’ont pas punie pour avoir ainsi ameuté tout le monde ?
    — Ils ne m’ont pas punie parce que j’avais ameuté tout le monde, justement.
    Ceux-ci craignaient d’attirer l’attention, Marie-Jeanne le comprenait très bien. Le secret devait entourer les actions du couple. L’aînée ne se présentait pas comme une victime idéale, car elle n’hésitait pas à se donner en spectacle.
    La gamine confirma son analyse à Mathieu.
    — Après, ils n’ont plus tenté de me battre.
    — Et Aurore, pourquoi ne prenait-elle pas la fuite ?
    — Elle était tellement stupide.
    Le mot tombait un peu comme une condamnation. À
    tout le moins, la victime n’avait aucun instinct de défense.
    Le jeune homme puisa dans son propre passé de souffre-douleur pour comprendre combien, devant les attaques des autres, il devenait possible de sombrer dans l’inertie. Pour les agresseurs, l’absence de résistance entraînait un nouvel acharnement, pas une étincelle d’ennui ou de pitié. Une cible inerte procurait autant de plaisir que celle qui se débattait.
    — Elle ne faisait rien pour se défendre, ou pour s’éloigner?
    — Pas avec papa. Elle restait là, à pleurer ou à crier, mais sans se sauver malgré les coups.
    — Et avec maman ?
    — Elle se débattait un peu plus.
    Marie-Anne Houde ne semblait pas bien robuste. Son mari, quant à lui, très grand et probablement d’une force peu commune, présentait une menace redoutable. Sans doute que la gamine ne tentait rien à cause de la terreur dans laquelle la plongeait un bourreau de cette taille.
    — Des fois, maman devait l’attacher, bafouilla Marie-Jeanne après un bref silence.
    La douceur du ton laissait deviner une autre confession particulièrement atroce.
    — Tu veux me raconter dans quelle circonstance cela arrivait ?
    — Maman la brûlait avec un tisonnier rougi au feu.
    Le stagiaire posa sur elle des yeux écarquillés.
    — Un tisonnier ?
    — Oui. Long comme ça.
    De ses deux mains, la fillette lui montrait une longueur de deux pieds. Cet instrument servait souvent à replacer des bûches, éliminer des cendres.
    — Où la brûlait-elle ?
    — Sur les jambes, sur les cuisses, sur les... Elle relevait la jupe et promenait le bout partout. Cela sentait la peau brûlée, comme quand on grille un cochon pour enlever les poils.
    La précision

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